La formation
réticulée se présente sous
forme d’un réseau désorganisé de
fibres à l’intérieur desquelles sont
dispersées les corps cellulaires. Cette structure
reçoit, par des collatérales, des informations
de toutes les modalités sensorielles. Ces informations
pouvant converger sur un même neurone de la formation
réticulée, elles perdent ainsi leur
spécificité d'origine pour acquérir
la propriété non spécifique de mettre
en jeu les réseaux de neurones excitateurs de l’éveil.
D'autres cellules réticulaires augmentent le tonus musculaire
et accomplissent ce travail nécessaire mais non suffisant à l'attention, l'apprentissage ou l'exécution
d'un geste.
La formation réticulée
peut donc être considérée comme une
sorte de filtre qui ne laisse parvenir à la
conscience qu’une infime partie des différents
stimuli visuels, auditifs ou somatosensoriels qui nous
entourent : ceux qui nous sont immédiatement
utiles ou particulièrement intenses.
Par exemple, si votre ordinateur fait
un bruit continu et pas trop intense, au bout d'un certain
temps, on ne le perçoit tout simplement plus. On comprend
alors pourquoi sans formation réticulée, il
nous serait bien difficile de s’endormir dans des endroits
bruyants, inconfortables ou éclairés.
LES STRUCTURES CÉRÉBRALES
QUI NOUS RÉVEILLENT ET NOUS ENDORMENT
L’activation corticale nécessaire à l’éveil
est rendue possible par un « réseau
exécutif de l'éveil » comprenant l’hypothalamus
postérieur, le thalamus intra-laminaires et le télencéphale
basal. Mais ces structures sont elles-mêmes sous l’influence
d’un réseau assez complexed'unedizaine
de structures situées en cascade du télencéphale
basal au tronc cérébral inférieur et qui prennent
en charge l'éveil.
Très schématiquement, les composantes de
ces systèmes
modulateurs ascendants peuvent être groupées en deux
grandes voies qui ont toutes deux leur origine dans une
partie du noyau réticulé
du bulbe rachidien.
La voie ventrale se
projette vers l’hypothalamus
postérieur et le noyau de Meynert du télencéphale
basal (neurones à acétylcholine) : c’est
la voie réticulo-hypothalamo-corticale.
La voie dorsale active
les noyaux mésopontins
cholinergiques, la formation réticulée mésencéphalique
(neurones à asparte/glutamate) et le thalamus : c’est
la voie réticulo-thalamo-corticale.
En plus d’être à l’origine de l’éveil,
plusieurs des noyaux de ces deux voies utilisant l’acétylcholine
et le glutamate comme neurotransmetteur sont en partie responsables
de l'activation corticale du sommeil
paradoxal.
La présence
de points foncés est proportionnelle à l’activité
des systèmes aminergiques et cholinergiques durant les
différents états de veille et de sommeil.
Parmi les noyaux les plus importants du tronc cérébral
impliqués dans le système d’éveil, on
retrouve donc :
La
formation réticulée mésencéphalique, qui
se projette massivement sur les noyaux thalamiques,
qui vont ensuite influencer tout le cortex. Son rôle
en est un de désynchronisateur du cortex au sens
large, favorisant l’éveil mais aussi le sommeil
paradoxal. Il s’agit de l'ancien « système
réticulé activateur ascendant » qui
est maintenant considérée comme une simple
partie du réseau de l'éveil.
Les noyaux mésopontins cholinergiques,
qui se projettent également sur le thalamus. L'acétylcholine
produite par ces noyaux exerce une double action :
elle diminue l’activité du noyau réticulaire
thalamique appartenant au système du sommeil ;
et elle active les neurones thalamocorticaux impliqués
dans l’éveil.
Les noyaux réticulés bulbaires
magnocellulaires, dont les neurones sont cholinergiques
ou à asparte/glutamate, est à l’origine
à la fois de la voie réticulo-thalamo-corticale
et de la voie réticulo-hypothalamo-corticale. Ses
projections vont donc sur la formation réticulée
mésencéphalique et les noyaux mésopontins
cholinergiques ainsi que sur le télécenphale
basal et l'hypothalamus postérieur.
Les noyaux du locus coeruleus,
situés
dans la partie dorsale du pont, et dont les projections noradrénergiques
influencent des structures cérébrales comme le
thalamus, l'hippocampe et le cortex. L’activité du
locus coeruleus est maximale chez le sujet éveillé et
actif, réduite durant un éveil calme, encore plus
réduite en sommeil lent, et complètement abolie
en sommeil paradoxal.
Les noyaux sérotoninergiques du raphé
antérieur (ou supérieur), qui projettent
de la sérotonine vers l'hypothalamus et le cortex. Actifs
pendant l'éveil, l’effet global des noyaux du raphé antérieur
est éveillant et, contrairement aux autres groupes aminergiques,
leur lésion non seulement n'entraîne pas de somnolence,
même passagère, mais provoque une insomnie prolongée
de plusieurs jours. Cette apparente contradiction viendrait du
fait que ce système, qui innerve l'hypothalamus antérieur
au niveau de l'aire préoptique et l’horloge circadienne
située dans le
noyau suprachiasmatique, semble mesurer la durée et l'intensité de
l'éveil. L'éveil pourrait ainsi provoquer éventuellement
sa propre inhibition par rétroaction négative.
En d’autres termes, le
fait d’être éveillé durant un certain
temps conduit au sommeil.
L'ensemble de ces structures du tronc
cérébral reçoit
des collatérales des afférences sensorielles et végétatives
qui participent ainsi au maintien de leur activité (voir
encadré). Il s’agit d’un réseau complexe
dont l'excitation pharmacologique d’un élément
amène l'activation de tous les autres. Cette organisation
redondante explique aussi pourquoi l'inactivation d'un seul système
est suivie, après quelques jours, d’une récupération
complète de l'éveil. Aucune des
structures décrites, prise isolément, n'est donc
indispensable à l'activation corticale.
Les ondes PGO peuvent être évoquées
hors du sommeil paradoxal chez le sujet éveillé
par un stimulus fort et soudain comme ceux qui nous font sursauter.
Ceci suggère que les ondes PGO spontanées du
sommeil paradoxal pourraient être générées
par l’activation interne de la circuiterie neuronale
du réflexe de protection.
L’activité des
neurones inhibiteurs pontiques affecte non seulement les motoneurones,
mais aussi les noyaux des colonnes dorsales où elle
entraîne, durant le sommeil paradoxal, une réduction
des réponses aux stimuli somesthésiques.
C’est le cas des mouvements
oculaires rapides qui surviennent durant le sommeil
paradoxal et dont on ignore la fonction. Ils sont produits par
la formation réticulaire pontique et
transmis aux couches motrices des colliculi
supérieurs. Les neurones colliculaires projettent à leur
tour sur la formation réticulaire pontique paramédiane
(FRPP) qui coordonne la durée et la direction des mouvements
oculaires.
Autre caractéristique singulière du sommeil paradoxal
dont on a localisé la source : la
paralysie quasi-totale du corps qui l’accompagne. L’activité nerveuse
intense enregistrée durant le sommeil paradoxal excite
en effet la grande majorité
des neurones corticaux, y compris ceux du cortex
moteur primaire. Ces neurones moteurs génèrent
ainsi des séquences d’activité organisées
commandant des mouvements du corps mais seul les muscles respiratoires,
oculaires, ainsi que ceux de l’oreille interne pourront
actualiser la commande motrice. Celle-ci ne parviendra jamais
jusqu’aux motoneurones des membres.
Durant le sommeil paradoxal, l’augmentation d’activité
de neurones
cholinergiques de la protubérance va
exciter d’autres neurones de la formation réticulée
pontique qui utilisent le glutamate comme neurotransmetteur.
Ceux-ci vont à leur tour envoyer des projections vers
le bulbe rachidien où
ils vont activer des interneurones qui relâchent de la
glycine. Ce sont ces interneurones des noyaux réticulés
bulbaires magnocellulaires, dont les axones descendent
dans la moelle épinière, qui vont inhiber fortement
les motoneurones en les hyperpolarisant.
Coupe sagittale d’un
cerveau de chat, modèle de choix pour l’étude
du sommeil paradoxal, montrant un schéma simplifié de
certaines structures impliquées dans le contrôle
du sommeil paradoxal(Ne = Noradrénaline;
5-HT = Sérotonine; ACh = Acétylcholine).
Source: adapté de Appleton & Lange,
Kandel, Schwartz, Jessell, Principles of Neural Science
Quant aux pointes ponto-géniculo-occipitales
(PGO) survenant de façon intermittente durant
le sommeil paradoxal, elles seraient elles aussi issues de
la formation réticulée pontique. Elles
se propagent ensuite jusqu’au cortex
occipital par l’entremise du thalamus bien qu’elles
soient, comme leur nom l’indique, plus aisément
détectables dans les relais du système visuel
que sont les corps
genouillés latéraux.
Les ondes PGO font partie des différents événements
phasiques du sommeil paradoxal qui accompagnent les mouvements
oculaires rapides, les changements dans le rythme respiratoire
et cardiaque. Elles peuvent être générées
en l’absence de sommeil paradoxal en stimulant la protubérance
avec de l’acétylcholine, en particulier dans la
région péribrachiale. C’est dans cette région
réticulaire, autour du pédoncule cérébelleux
supérieur et sous le locus coeruleus, que sont générées
les ondes PGO.
Plusieurs de ces neurones qui se projettent sur le thalamus
sont cholinergiques. Ils font une brève décharge de
potentiels d’action juste avant chaque onde PGO du côté ipsilatéral.
La sérotonine du système du raphé inhibe
les ondes PGO en hyperpolarisant ses cellules génératrices.
On comprend alors pourquoi l’arrêt de l’activité des
cellules sérotoninergiques lors du passage du sommeil
lent au sommeil paradoxal déclenche les ondes PGO.