Lorsque l’on entend un son,
le cerveau distingue automatiquement s’il s’agit d’un son provenant
d’une voix humaine ou d’une autre source; ensuite si ce son «
humain » est une syllabe ou non; enfin si c’est un véritable
mot ou un pseudo-mot (groupe de son n’ayant pas de sens). L’écoute
de ces différents sons en imagerie cérébrale permet de distinguer
entre les aires impliquées dans la simple écoute de sons de celles
intervenant dans leur compréhension.
Bien que les termes d’aire
de Broca et d’aire de Wernicke soient communément utilisés,
il faut savoir que les limites de ces régions ne sont pas clairement définies
et qu’elles peuvent varier d’un sujet à l’autre. Par
ailleurs, ces aires peuvent aussi être impliquées dans d’autres
fonctions que le langage.
Le concept initial de l’aire de Broca
est donc passé d’un “centre du langage” à une
région d’un réseau complexe impliqué dans le traitement
sémantique, syntaxique, phonologique, et même des tâches non-reliées
au langage (comme le
mouvement) ce qui suggère d’éventuelles
subdivisions possibles de cette aire. Ou encore qu’elle ne peut
être définie que plus abstraitement. Il se pourrait alors que l’aire
de Broca devienne qu’un concept historique sans corrélat anatomique
ou fonctionnel.
Lors d’opérations au
cerveau sans anesthésie générale, des chirurgiens comme Wilder
Penfield ou George Ojemann ont découvert que des stimulations électriques
appliquées directement sur les aires corticales impliquées dans
le langage peuvent avoir des effets perturbateurs tout à fait spécifiques
sur cette fonction. On a par exemple stimulé dans l’hémisphère
gauche une région correspondant à l’aire de Broca pendant
que le sujet est en train de parler. Avec une faible stimulation, on provoque
des hésitations chez le locuteur. Et si la stimulation est assez forte,
elle supprime totalement le langage.
Curieusement la stimulation de sites
proches de l'aire de Broca donne parfois des résultats différents,
alors que celle de régions cérébrales éloignées
peut produire des effets similaires. Cette constatation a fait dire à plusieurs
que les aires du cerveau impliquées dans le langage sont sans doute beaucoup
plus complexes que ce que propose le modèle de Wernicke-Geschwind.
Il s’agit du lobule pariétal inférieur, aussi appelé
« territoire de Geschwind » en l’honneur du neurologue américain
Norman Geschwind qui en avait déjà pressenti l’importance
dans les années 1960. Grâce à l’imagerie cérébrale,
on a pu montrer que ce lobule pariétal inférieur (comprenant le
gyrus angulaire et le gyrus supramarginal) était connecté par d’importants
faisceaux de fibres nerveuses à la fois à l’aire de Broca
et à l’aire de Wernicke. L’information pourrait donc transiter
entre ces deux régions soit directement par le faisceau arqué, soit
en passant par le territoire de Geschwind par une seconde route parallèle.
Le
lobule pariétal inférieur de l’hémisphère gauche
occupe un endroit clé dans le cerveau, à l’intersection des
cortex auditif, visuel et somatosensoriel avec qui il est massivement connecté.
De plus, les neurones de cette région ont la particularité d’être
« multimodaux », c’est-à-dire qu’ils sont capables
de traiter simultanément des stimuli de différentes natures (auditif,
visuel, sensorimoteur, etc). Ces caractéristiques font donc du lobule pariétal
inférieur un candidat idéal pour appréhender les multiples
propriétés d’un mot : son aspect visuel, sa fonction, son
nom, etc. Il aiderait ainsi le cerveau à classifier et à étiqueter
les choses, une condition préalable pour former des concepts et une pensée
abstraite.
Le
lobule pariétal inférieur est l’une des dernières structures
du cerveau à s’être développé durant l’évolution.
Il existerait sous une forme rudimentaire dans le cerveau des autres primates,
ce qui indique que le
langage aurait pu évoluer grâce aux changements survenus dans
des réseaux neuronaux préexistants, et pas nécessairement
suite à l’apparition de structures cérébrales complètement
nouvelles.
Le lobule pariétal inférieur est aussi l’une
des dernières structures à devenir mature chez l’enfant et
l’on a des raisons de penser qu’il jouerait un rôle clé
dans l’acquisition
du langage. Sa maturation tardive expliquerait entre autres pourquoi les enfants
doivent attendre d’avoir 5 ou 6 ans avant de commencer à
lire et à écrire.
L'hémisphère droit,
même lorsqu’il n’est pas l’hémisphère dominant
pour le langage, participe à la compréhension de mots simples, de
phrases courtes, au langage métaphorique et à la prosodie.
De plus, lorsque l'hémisphère gauche est lésé, l'hémisphère
droit peut jouer un rôle encore plus important au niveau du langage.
C’est ce qui se passe chez de jeunes enfants qui souffrent parfois
de crises d’épilepsies fréquentes qui ne répondent
pas bien aux traitements médicamenteux et compromettent leur développement
cognitif. Or chez certains d’entre eux, le foyer épileptique peut
être localisé dans un seul hémisphère, mais l’épilepsie
peut envahir les deux lors des crises.
Une opération appelée
hémisphérectomie permet d’enlever une grande partie
de l’hémisphère malade et de contrôler avec succès
les crises. Mais qu’arrive-t-il lorsque l’hémisphère
enlevé est l’hémisphère dominant pour le langage, le
plus souvent le gauche ? Si l’opération a lieu durant les premières
années de la vie de l’enfant, l'hémisphère droit prendra
en charge presque parfaitement la fonction du langage.
Le modèle élaboré
par Geschwind a subi plusieurs modifications depuis sa proposition. Par exemple,
on reconnaît aujourd’hui que les mots lus n’ont pas besoin d’être
convertis en une réponse pseudo-auditive pour être prononcés.
En fait, l’information visuelle semble être transmise du cortex visuel
à l’aire de Broca sans passer par le gyrus angulaire.
Les personnes aveugles utilisent
leurs doigts pour lire les caractères en points saillants du braille. Chez
les aveugles de naissance, on sait maintenant que c’est le cortex visuel
qui prend en charge l’information en provenance des doigts lorsque ceux-ci
lisent le braille et ce, malgré l’absence totale d’input visuel
!
Si la lecture exige
le fonctionnement coordonné du système
visuel et du système linguistique, l’écriture
repose pour sa part sur l’interrelation des systèmes linguistiques
et moteurs, ce dernier permettant d’exécuter les
gestes précis de l’écriture.
On appelle
«alexie
» l'incapacité de lire et « agraphie
» l'incapacité d'écrire. . Ces deux troubles
du langage semblent dépendre de deux systèmes
spécialisés distincts et autonomes.
Une autre condition appelée « anomie
» consiste en une difficulté à trouver les noms des objets.
Elle s’observe souvent suite à une lésion du gyrus angulaire.
MODÈLES CÉRÉBRAUX DU LANGAGE PARLÉ
ET ÉCRIT
Les
premiers balbutiements du langage oral chez l'humain remontent à il
y a peut-être 2 millions d’années et furent accompagnés
par des changements cérébraux qui ont permis de mieux le prendre
en charge. Ce n’est pas le cas du langage
écrit qui date d’il y a à peine 4000 ans. On peut donc
dire que nous sommes biologiquement conçu pour parler, mais pas pour lire
et écrire.
Comme c’est souvent le cas, le développement
de l’enfant suit la même séquence que le développement
de l’espèce : la lecture et l’écriture sont apprises
plusieurs années après que l’enfant ait maîtrisé
le langage verbal. Ce système graphique symbolique s’ajoute donc
à un système phonologique symbolique déjà en place.
Selon le
modèle Wernicke-Geschwind, lors d’un échange verbal, les
mots sont perçus au niveau du cortex auditif puis transmis à l'aire
de Wernicke. La lecture d’un mot écrit diffère
cependant d’un mot entendu par la porte d’entrée sensorielle
: les yeux plutôt que les oreilles.
Par conséquent, le mot lu est d’abord perçu
par le cortex
visuel primaire comme un motif graphique, puis transmis
au gyrus
angulaire via le cortex occipito-temporal gauche. Les neurones
du gyrus angulaire sont particulièrement bien placés
pour catégoriser, conceptualiser et faire des liens entre
différentes caractéristiques d’un objet.
Le gyrus angulaire serait ainsi directement sollicité
quand on nomme un objet ou qu’on lit son nom. Il est aussi
plus actif quand on cherche le sens d’un mot ou quand
on le garde
en mémoire pour un court instant.
L’information chemine ensuite dans
la région adjacente, l'aire de Wernicke, où elle est reconnue en
tant que mot associé à sa forme auditive correspondante. À
partir de là, qu’il s’agisse d’un mot entendu ou lu,
l’information se retrouverait dans l’aire de Broca qui ajoute à
ce message une structure syntaxique et un programme articulatoire. Cette information
riche et complexe serait finalement transférée à l’aire
voisine de celle de Broca, le
cortex moteur. Les neurones pyramidaux du cortex moteur envoient alors leurs
signaux à destination des muscles de la bouche et du larynx qui produisent
la parole.
Des recherches plus récentes montrent qu’il
pourrait y avoir au moins deux systèmes neuronaux distincts impliqués
dans la lecture. Le cerveau lirait principalement en traduisant les caractères
écrits en ses éléments phonologiques correspondants dans
le langage oral. Mais le cerveau ferait aussi le lien entre l’image complète
du mot écrit et sa signification, un rappel qui pourrait en quelque sorte
court-circuiter la correspondance avec la signature phonologique du mot.
Quoi qu’il en soit, la lecture est quelque chose qui se déroule
très rapidement. On estime que le cerveau n’a que quelques dixièmes
de secondes pour traduire chaque symbole en son. La rapidité de traitement
serait à ce point cruciale pour la lecture que de léger troubles
dans le traitement de l’image, de sa couleur ou de son contraste suffiraient
rendre la lecture fastidieuse.
Des lésions majeures dans la région
pariéto-occipitale gauche peuvent quant à elles rendre une personne
incapable d’écrire et/ou de lire tout en laissant intactes ses capacités
orales de langage. Mais des lésions des aires associatives auditives comme
celle de Wernicke vont empêcher à la fois la compréhension
orale et la capacité de lecture de l’individu.
De plus
en plus de résultats obtenus à partir des techniques d’imagerie
cérébrale remettent toutefois en question le modèle classique
des fonctions langagières localisées tel que proposé par
Geschwind. Ces résultats plaident plutôt en faveur de zones
de convergence et d’une conception plus distribuée des aires du langage.
Une conception qui sous-tend un codage et un traitement en parallèle de
l’information.
La partie moyenne du gyrus temporal
inférieur (ou aire 37 de Brodmann) est une autre aire associative de convergence
pour le langage. Elle est située entre le cortex visuel et le cortex temporal
antérieur et devient plus active durant différentes tâches
reliées au langage comme la lecture ou le fait de nommer un objet ou une
lettre. Comme pour le gyrus angulaire, une lésion à la partie moyenne
du gyrus temporal inférieur peut entraîner des déficits de
lecture et d’identification des objets.
Autrefois, les instituteurs pensaient
qu’un enfant gaucher écrirait nécessairement mal et les forçaient
à écrire de la main droite. Les scientifiques ont quant à
eux longtemps pensé que les gauchers étaient plus susceptibles de
bégayer,
d’être dyslexique
ou d’être allergiques que les droitiers. Mais les études récentes
montrent que les gauchers ne sont pas plus atteints de troubles physiques ou psychologiques
que les droitiers.
Chez les personnes âgées,
il y a une proportion étonnamment faible de gauchers (1-2% chez les octogénaires
comparé à 13% chez les personnes de 20 ans). Un débat existe
sur les causes de cet écart, les uns plaidant pour un plus grand nombre
d’accidents et de conditions pathologiques fatales chez les gauchers, les
autres arguant que la gaucherie est plus facilement acceptée aujourd’hui
et que les personnes âgées ont été contraintes d’apprendre
à utiliser leur main droite. Le poids des données fait cependant
pencher la balance du côté de cette dernière explication sociologique.
La latéralisation manuelle
ainsi que l’aspect grammatical et séquentiel du langage semblent
avoir été acquis
graduellement par notre espèce. Certains indices suggèrent
par exemple qu’il y a 2 ou 3 millions d’années, 60 à
70 % des Australopithèques étaient droitiers. Chez Homo habilis
qui vécu il y a 1,5 millions d’années, on estime que 80% de
la population avait la même préférence. Puis, il y a environ
150 000 ans, environ 90 % des premiers individus de notre espèce utilisent
leur main droite préférentiellement, un taux similaire à
celui d’aujourd’hui.
PRÉFÉRENCE
MANUELLE, LANGAGE ET LATÉRALISATION CÉRÉBRALE
Le phénomène
de latéralisation dans le cerveau implique qu’une fonction donnée
est contrôlée préférentiellement par un côté
du cerveau. Les hémisphères droit et gauche du cerveau sont ainsi
le siège de fonctions cognitives distinctes dont la complémentarité
est assurée par le corps calleux, principal faisceau de fibres nerveuses
reliant les deux hémisphères.
La latéralisation
semble être une ingénieuse stratégie mise en place au cours
de l’évolution pour rentabiliser au mieux l’espace disponible
dans le cerveau. Elle augmente par exemple la vitesse de traitement en évitant
les longues connexions nécessaires pour relier entre elles deux régions
situées de part et d’autre de l’encéphale. De plus,
lorsque deux zones symétriques n’assument pas la même fonction,
on « double » d’une certaine manière les capacités
cognitives du cerveau.
La
préférence manuelle et le langage sont deux fonctions particulièrement
latéralisées. Bien qu’il n’y ait pas de lien direct
entre les deux, la latéralisation de la main habile influence néanmoins
celle du langage. De nombreuses études, utilisant entre autres le test
de Wada (voir capsule outil à gauche), ont ainsi montré que 92 à
96 % des droitiers ont leur hémisphère gauche spécialisé
dans le langage.
Pour les gauchers, c’est un
peu plus compliqué et les résultats des études présentent
certaines disparités. Pour certaines, environ 70% des gauchers seraient
latéralisés à gauche pour le langage, 15% à droite
et 15% seraient ambilatéraux, c’est-à-dire que les fonctions
du langage sont réparties entre les deux hémisphères. Pour
d’autres, seulement 15% des gauchers sont latéralisés à
gauche, 15% à droite et 70% sont ambilatéraux à divers degrés.
La différence de fonction linguistique qui existe entre les deux
hémisphères pose la question de différences anatomiques potentielles
entre les aires du langage droites et gauches du cerveau. Car bien qu’ils
aient le même aspect général, nos deux hémisphères
ne sont pas des répliques exactes l’un de l’autre. Dès
le XIXe siècle, les premières asymétries cérébrales
ont été décrites. L’examen de cerveaux post mortem
a permis par exemple de constater que le
sillon latéral était plus long et moins profond sur l’hémisphère
gauche que sur le droit.
Plus
récemment, des outils comme l’imagerie par résonance magnétique
sont venus s’ajouter à l’examen anatomique pour mettre en évidence
ces asymétries. L’une des plus significatives est observée
dans le planum temporale situé à la surface supérieure
du lobe temporal. Cette région triangulaire, qui s’enfonce dans les
profondeurs du sillon latéral, forme le coeur de l’aire
de Wernicke, l’une des zones fonctionnelles importantes du langage.
Le planum temporale serait plus développé
à gauche dans 65% des cerveaux, et plus développé à
droite chez seulement 10% des individus. Dans certains cerveaux, le planum temporale
est plus de cinq fois plus développé à gauche qu’à
droite, ce qui en fait la structure la plus asymétrique du cerveau.
La taille supérieure du planum temporale gauche par rapport au droit
est déjà présente chez
le fœtus où il est plus étendu à gauche qu’à
droite dès la 31e semaine de gestation. Cette observation renforce l’hypothèse
d’une prédisposition
génétique pour l’asymétrie cérébrale.
Du fait de cette imposante majorité
de droitiers dans la population humaine, les gauchers se rendent vite compte qu’ils
vivent dans un monde où les objets sont fabriqués pour des droitiers.
Des cafetières aux guitares, en passant par les outils à moteur,
tout ce qui n’est pas parfaitement symétrique est conçu pour
les droitiers. Et cela va du simple désagrément aux conséquences
graves puisque la fréquence des accidents de la route ou de travail est
plus élevée chez les gauchers que chez les droitiers.
Mais il peut aussi il y avoir quelques avantages à être gaucher,
si l’on pratique l’escrime par exemple. Les adversaires de tout escrimeur
étant en majorité droitiers, ceux-ci se retrouvent moins entraîné
à parer les attaques des gauchers qui eux connaissent très bien
les parades des droitiers.
Certains stimuli qui semblent similaires
peuvent activer préférentiellement l’un ou l’autre des
hémisphères dépendamment de l’expérience du
sujet. Pour le commun des mortels par exemple, la
reconnaissance d’une position de jeu sur un échiquier
est une tâche spatiale qui fait surtout appel à l’hémisphère
droit. Par contre, pour un maître aux échecs, reconnaître une
position de jeu est quelque chose qui s’apparente pour lui davantage à
un langage possédant sa propre grammaire et sollicite plutôt l’hémisphère
gauche.
La musique peut aussi solliciter davantage l’hémisphère
gauche que le droit si le sujet a une formation musicale ou non. Une observation
qui contraste avec les premières conceptions de la localisation des fonctions
musicales que l'on situait à l’origine exclusivement à droite.
Une contribution globale plus grande
de l’hémisphère droit chez les gauchers pourrait expliquer
pourquoi on retrouve proportionnellement plus de mathématiciens et de musiciens
gauchers, deux habiletés faisant appel aux fonctions de visualisation normalement
situées dans l’hémisphère droit.
CONTRIBUTION DE L'HÉMISPHÈRE DROIT AU LANGAGE
Nos
interactions sociales reposent en grande partie sur le développement
d’une intelligence sociale envers les autres, ce que certains appellent
une « théorie
de l’esprit ». Car au-delà des informations explicites
véhiculées par les mots nous devons constamment décrypter
les croyances, les intentions, les connaissances et les états affectifs
de l’autre pour interagir correctement avec lui.
Par conséquent,
la bonne compréhension d’un échange verbal avec quelqu’un
nécessite davantage que la simple maîtrise des aspects élémentaires
du langage verbal humain. Celui-ci véhicule également des informations
non-verbales qui modulent la teneur de notre discours.
Les fonctions
phonologique, syntaxique et lexicale de ce discours sont sous la gouverne de l’hémisphère
gauche, raison pour laquelle il a longtemps été considéré
comme l’hémisphère
dominant en matière de langage.
Plus subtile et nuancée,
la contribution de l’hémisphère droit dans le comportement
langagier a été reconnue beaucoup plus tard. Elle concerne la capacité
d’aller au-delà du sens littéral des mots et recourt pour
ce faire à de multiples processus. Cette nouvelle science de la communication,
du point de vue de « l’hémisphère mineur » du
langage, est appelée pragmatique.
La fonction
pragmatique désigne la capacité de comprendre le signifié
du discours, par exemple le sens d’une métaphore ou d’une question
comme «Avez-vous du feu?» Lorsqu’un
droitier est atteint d’une lésion à l’hémisphère
droit, la fonction pragmatique est affectée et il est porté
à interpréter une telle question à la lettre. En fait, ces
patients réagissent exactement comme des étrangers devant des formules
idiomatiques : leur grammaire et leur phonologie sont correctes, mais ils ne comprennent
pas l’humour verbal ni les métaphores que nous employons quotidiennement.
En contribuant aux composantes émotionnelles et tonales du langage, l’hémisphère
droit apporte ainsi un supplément de signification à la communication
verbale.
Chez les gauchers, on ne sait pas où se trouve la fonction
pragmatique. Plusieurs hypothèses sont possibles selon que les habiletés
langagières traditionnelles du gaucher se trouvent à gauche, à
droite ou dans les deux hémisphères.
De façon plus générale,
il semble que l’hémisphère droit montre une prédilection
pour les habiletés spatiales, la reconnaissance des visages et la musique,
tandis que l’hémisphère gauche s’activerait davantage
pour le langage, le calcul et les habiletés logiques. Bien entendu, il
s’agit là de généralisations dans le mesure où,
chez un individu normal, les deux hémisphères fonctionnent de concert
en s’échangeant de l’information par le corps calleux.
Cette interaction entre les deux hémisphères
est la base de toute la coopération dont fait preuve le système
nerveux central et montre à quel point les deux hémisphères
sont complémentaires pour la plupart des fonctions, y compris le langage.
Les études qui cherchent
à comparer la taille de certaines régions corticales homologues
dans l’hémisphère droit et dans l’hémisphère
gauche se heurtent à deux problèmes de taille. D’abord les
variations
interindividuelles qui sont souvent plus grandes que les variations
interhémisphériques. Et ensuite le fait que les régions qui
s’activent en imagerie cérébrale fonctionnelle ne coïncident
pas nécessairement avec des régions cytoarchitecturales précises.