Les mots ont une fonction
affective autant qu’informative. La mémoire ne se fixe biologiquement
que
s’il y a une émotion. Lorsque nous sommes appelés
à nous raconter avec des mots, ce récit est en grande partie constitué
par des émotions provoquées par des relations familiales, amicales,
etc.
Les femmes préfèrent
parler de leurs états d’âme tandis que les hommes aiment mieux
discuter de sujets impersonnels. Pour les femmes, parler est avant tout un moyen
d’entrer en relation alors que pour les hommes c’est davantage un
moyen de transmettre de l’information.
Par exemple, selon une
étude menée auprès de 6609 individus dans 5 pays d’Europe,
66% des femmes sont l’utilisateur principal du téléphone tandis
que 76% des hommes le sont pour l’ordinateur, ce qui appuie la préférence
des premières pour les sujets personnels et celle des seconds pour des
sujets extérieurs.
Les femmes utilisent aussi plus souvent le
«je» ainsi que des mots sociaux reliés aux personnes; alors
que les hommes utilisent plutôt le «nous» et s’intéressent
davantage aux objets et aux événements.
LES LIENS ENTRE PENSÉE ET LANGAGE
Parler, c’est
être capable de produire des sons reconnus par un groupe, selon
des conventions établies, comme porteurs de sens. Une langue est donc
un système fini d'unités sonores qui se combinent selon un ordre
précis pour former des mots. Ces mots deviennent autant de symboles liés
arbitrairement à des objets. Et l’enchaînement de ces mots
en phrases permet de véhiculer une infinité d'informations.
Même si le langage est souvent considéré comme indissoluble
de la pensée, il convient pourtant de distinguer les deux. Penser se rapporte
à l’habileté d’avoir des idées et d’en
inférer de nouvelles à partir des anciennes. Le langage, pour sa
part, représente une autre habileté, soit celle d’encoder
des idées en signaux et ce, dans le but de communiquer.
La forme
la plus courante de langage est la
communication orale véhiculée par la parole. Les éléments
de base du langage oral sont les phonèmes, éléments
sonores élémentaires, qui s'enchaînent en un ordre donné,
pour former des morphèmes. Un morphème est la plus petite
unité de son porteuse de sens qu'il soit possible d'isoler dans un énoncé
d' une langue donnée. Ce n'est pas la même chose qu'une syllabe.
Certains morphèmes font moins qu'une syllabe, d'autre plus. Par exemple,
dans " maisonnette " il y a deux morphèmes : " maison "
(qu'on note /mEzon/ avec ses phonèmes) et " -ette " (qu'on note
/Et/) qui est le suffixe de diminutif qui donne le sens de petitesse ici.
C’est en combinant ces phonèmes
et ces morphèmes que l’on peut construire autant de
mots que l'on veut (ce qu'on appelle la "double articulation"
du langage). Ces mots pourront ensuite être combinés
entre eux pour produire potentiellement un nombre infini de phrases.
Le lexique,
c’est l’ensemble des mots d’une langue, son
vocabulaire. Pour sa part, la syntaxe indique les façons
d’utiliser ces mots, les règles de grammaire qui
permettent d’assembler correctement les mots en phrases.
Mais le langage
est aussi et surtout un formidable outil qui entretient des relations étroites
avec la pensée en permettant de représenter, c'est-à-dire
de "rendre présent", par évocation, ce qui est imaginaire
ou simplement ailleurs dans l'espace ou le temps. C’est le domaine de la
sémantique, c’est-à-dire comment des combinaisons
complexes de sons ou de mots parviennent à porter du sens.
Les processus de compréhension et
de production du langage nécessitent donc une
maîtrise à la fois lexicale, syntaxique et sémantique.
On pourrait presque parler d’une articulation supplémentaire avec
l’apparition de l’écriture
moderne puisque les phonèmes doivent être traduits par une lettre
ou une combinaison de lettres.
Avec l'écriture, le savoir des
communautés peut désormais se transmettre plus facilement d’une
génération à l’autre. L'évolution
culturelle s'accélère et facilite le développement des
sciences et des arts. L’information qui définit notre espèce
ne transite plus seulement par le
code génétique mais également par des codes culturels
transmis de génération en génération.
Alors que les hommes ont tendance
à parler peu dans les situations intimes, ils peuvent devenir très
volubiles en public. Si les hommes parlent davantage et plus longtemps que les
femmes en public, il semble que ce soit lié au fait qu’il s’agit
de bonne occasion de confirmer ou de s’approprier un
statut social. En revanche, les femmes préféreraient
s’exprimer dans la sphère privée qui privilégie l’expression
des émotions.
Quand un enfant commence à
parler, sa conversation est bien sûr orientée vers les autres, mais
aussi vers lui-même. Piaget
et Vygotsky
ont nommée ce second type de langage «le discours égocentrique».
L’enfant s’en servirait pour «réfléchir à
voix haute». Il s’agit d’une sorte de monologue explicatif sur
ce que fait l’enfant qui s’explique pour ainsi dire à lui-même
ses actions, souvent une fois celle-ci terminées.
Ce discours
égocentrique serait toutefois progressivement internalisé entre
3 et 5 ans. Quand il devient complètement interne, l’enfant n’a
pas seulement appris à parler avec des mots, mais aussi à penser
avec des mots.
Plusieurs études tentent
d’établir un lien entre le geste et la parole comme celles qui impliquent
les neurones
miroir par exemple. Une autre a démontré que l’on
observe chez l’enfant de 9 à 13 mois des gestes performatifs qui
montrent le passage de l’intention à l’attention. À
partir de 14 mois, le langage articulé, préparé par les gestes,
prend le pas sur ces derniers. Il y aurait donc une continuité entre les
gestes et la parole.
La mère d’un enfant
lui offre des chaussures neuves. Si quelqu’un appelle ensuite l’enfant
au téléphone et lui demande ce qu’il a reçu l’enfant
peut avoir deux réactions qui dépendent de son âge : à
3 ans, tous les enfants montrent les chaussures au téléphone, tandis
qu’à 4 ans, tous ou presque mettent des mots à la place de
l’objet.
En précisant souvent que les couleurs des chaussures
sont belles, que maman est gentille, etc., l’enfant agit désormais
avec des mots sur les représentations et le monde mental de l’autre.
APPRENDRE UNE LANGUE
Vers la fin de sa
première année, l’enfant se rend compte qu’il a
ses propres paysages psychiques et que ceux-ci peuvent être partagés.
Il entre alors dans le monde de l’intersubjectivité, où il
ne répond plus seulement à des stimulations venues du dedans comme
la faim, ou venues du dehors comme les sourires de ses proches, mais aussi d’après
l’idée qu’il se fait du monde mental des autres.
L’enfant comprend que les mots ne servent pas qu’à produire
une espèce de musique, mais qu’ils
sont des symboles servant à désigner des choses souvent absentes.
Il n’est donc plus collé à la réalité. Il peut
se représenter le monde.
C’est dans ce contexte psychique
qu’apparaissent les premiers mots de l’enfant. Ils concerneront d’abord
ses personnes d’empreinte (papa, maman, mamie…), puis des objets de
son quotidien, enfin des objets absents à lui-même et absents aux
autres.
C’est vers l’âge
de 10 mois que le bébé prononce habituellement
son premier mot, le plus souvent un « maman » ou « papa »
à peine balbutié. Un petit mot pour nous, les adultes, mais une
réalisation considérable pour le bébé considérant
le chemin parcouru en peu de temps depuis la
rencontre des gamètes de ses parents !
À un an, il
en connaît quelques uns. Vers 18 mois de 30 à 50. Chaque enfant évolue
bien entendu selon son propre rythme, mais à partir de 18 mois, le développement
du vocabulaire s’accélère généralement pour
atteindre plus de 100 mots à 21 mois et plus de 200 à 2 ans.
Nombre de mots approximatifs du vocabulaire d’un
enfant de 0 à 3 ans. On note le caractère exponentiel de cet
apprentissage durant les premières années.
Durant cette période de développement
lexical, l'enfant s'exprime par mots isolés ou par groupes de deux ou trois
mots. Ces premiers mots sont souvent des phrases contractées en un mot
(ou des « mots-phrases ») car ils ne renvoient pas seulement à
un objet, mais à une action ou une situation. Il est donc nécessaire
de connaître le contexte pour les interpréter. Progressivement, le
mot se libère du contexte présent. L'enfant accède à
la notion
de permanence de l'objet et devient capable de se représenter mentalement
celui-ci sans l'avoir obligatoirement sous les yeux
Vers 2 ans,
la compréhension du langage entendu est quasi complète et l’enfant
demande ce qu’il désire en formulant sa requête oralement.
Les premières phrases de 2 ou 3 mots commencent à répondre
à des règles syntaxiques, mais n’utilisent ni pronoms ni articles,
et les verbes demeurent à l’infinitif.
C’est de
2 à 5 ans que l'enfant va acquérir la
syntaxe sans jamais en avoir appris les règles, par la seule exposition
à la régularité des structures qu'il entend. À preuve,
les erreurs qui sont produites durant ce stade et qui sont très régulières.
Par exemple, l'enfant dira "il a metté" plutôt que "il
a mis", construction basée sur la règle générale
de formation des participes passés.
Vers 3 ans
les déformations des mots ont presque toutes disparu et la structure syntaxique
de base, sujet-verbe-complément, est en place. Le vocabulaire compte alors
près de 1000 mots et l’usage du « je » est maîtrisé.
L’enfant aime écouter des histoires, poser des questions et commence
à raconter ce qu’il a fait ou vu.
Vers 4 ans,
c'est le déchaînement verbal dominé par des questions incessantes.
Le temps est maîtrisé (hier, aujourd’hui, demain…). Les
« petits mots » (prépositions) sont de plus en plus utilisés.
À quatre ans les principales composantes du langage sont donc en place
et c’est à cet âge que les
troubles spécifiques du langage peuvent être détectés.
À 5 ans, les pronoms relatifs
et les conjonctions apparaissent. L'enfant conjugue et le langage est manié
plus finement même si de petites imperfections persistent. L’enfant
apprend aussi à dire les choses de façon plus appropriée
au contexte. Ceci est rendu possible par le fait qu'il se distancie de sa propre
perception pour réaliser que les autres ne perçoivent pas la réalité
de la même façon que lui.
À 6 ans,
l'enfant utilise de plus en plus de substantifs, de verbes et d’adjectifs.
Son vocabulaire compte maintenant plus de 2500 mots.
En dépit
des variations d’un enfant à l’autre, l'âge moyen de
chacune de ces acquisitions ainsi que la succession de ces étapes ne varient
pas entre différentes cultures. De plus, dans toutes les cultures, l'aptitude
à apprendre une langue diminue considérablement après la
puberté.
Un enfant acquiert le sentiment
d’être soi vers l’âge de 5 mois, bien avant de parler.
L’émergence du langage chez lui requiert cependant deux choses :
la maturation neurologique, et l’environnement culturel et langagier.
Vers l’âge de 3-4 ans, le mot «mort» désigne
par exemple ce qui arrive lorsqu’il fait «pan, pan !» en pointant
un adulte : celui-ci s’écroule sur le plancher en faisant une grimace.
Vers 5-6 ans, le même mot désigne l’éloignement, très
loin quelque part, sur un nuage, et pour longtemps… La maturation de son
système nerveux lui permet alors de commencer à se représenter
des choses très éloignées. Enfin, entre 7 et 10 ans, la mort
désigne quelque chose d’absolu. À ce moment se forment les
connexions entre le lobe préfrontal de l’anticipation et le système
limbique qui gère les souvenirs. L’enfant accède alors à
la représentation du temps. Le mot «mort» met donc sept à
dix ans pour devenir «adulte».
Cette maturation du langage
se fait aussi sous l’influence de contraintes génétiques et
environnementales. Un enfant qui perd sa mère en bas âge peut avoir
une maturation accélérée du mot «mort» et le
comprendre complètement à 4 ou 5 ans par exemple. À l’inverse,
quand le développement est exempt de petites épreuves et qu’il
est si sécurisant qu’il en devient engourdissant, les enfants peuvent
rester fixés à une conception enfantine du mot «mort»
plus longtemps. La maturation langagière s’articule donc entre des
facteurs endogènes et exogènes.
Selon certains spécialistes,
le
modèle Wernicke-Geschwind accorderait une trop grande importance
à certaines aires corticales délimitées alors qu’on
découvre de plus en plus que la gravité des aphasies de Broca et
de Wernicke dépend de l’étendu du cortex affecté par
la lésion en dehors des aires de Broca et Wernicke.
Des structures
sous-corticales non représentées dans le modèle, comme le
thalamus et le noyau caudé, ont aussi une influence sur l’aphasie.
Les attaques cérébrales qui lèsent à la fois les structures
corticales et sous-corticales amènent des déficits plus graves que
les lésions uniquement corticales.
Enfin, le fait que l’on
observe souvent une récupération importante du langage après
une attaque cérébrale indique aussi que d’autres aires cérébrales
peuvent compenser ce qui a disparu.
Chez les aphasiques de Broca, à
l’incapacité à communiquer s’ajoute souvent d’autres
déficits créés par les dommages au lobe frontal gauche. La
paralysie du côté droit du corps est la plus fréquente.
Cette paralysie peut être sévère (hémiplégie)
ou légère (hémiparésie).
On observe
aussi des cas d'apraxie où la personne est incapable d'exécuter
des mouvements volontaires alors que ces mêmes mouvements peuvent être
faits de façon automatique (lécher un cornet de crème glacée
et être incapable de sortir la langue volontairement). La vision peut même
être affectée par la présence d'une hémianopsie,
c'est-à-dire la perte d'une partie du champ visuel.
Tous ces
problèmes associés impliquent qu'en plus d'une rééducation
du langage, une physiothérapie et une ergothérapie peuvent être
nécessaires.
L’étude des lésions
cérébrales permet de démêler un peu la mécanique
des systèmes cognitifs de notre cerveau. Par exemple, il a été
démontré que musique et langage sont dissociables. Certains aphasiques
chantent ainsi « Au clair de la lune » sans jamais pouvoir nommer
la lune ou prononcer le son correspondant lorsqu’ils parlent.
LES TROUBLES
DU LANGAGE
Il existe différents
types de déficits langagiers liés au développement (dysphasies)
ou à des lésions cérébrales acquises (aphasies).
Les troubles dysphasiques
les moins graves et les plus faciles à traiter sont les troubles
articulatoires. Ils portent le plus souvent sur les consonnes. Ce sont
des erreurs dans les mouvements de la bouche et de la langue servant à
produire les phonèmes, par exemple
le « j » qui sonne comme un « ch ».
Les troubles
articulatoires comprennent par exemple le chuintement ou le
zézaiement. Ils peuvent aussi se traduire par l’omission
permanente d’un son ou par des remplacements de phonèmes. Ainsi,
«radio» deviendra «adio» ou «chat» deviendra
«ta». Bien que les troubles articulatoires affectent peu l’intelligibilité
de l’enfant, ils peuvent susciter la moquerie et devenir la source d’un
malaise.
Les retards de la parole constituent une autre
catégorie de dysphasie. Ils peuvent être dus par exemple à
une mauvaise perception des sons, bien que l’enfant ne soit pas sourd. Il
est alors très difficile pour celui-ci de reproduire convenablement des
mots qu’il entend mal. Un enfant dira par exemple «lababo» pour
lavabo ou «puie» pour pluie.
D’autres dysphasies concernent
les troubles de la composante syntaxique du langage. Normalement,
celle-ci se met en place de façon naturelle autour
de l’âge de 3 ans. Mais les enfants de 4 ou 5 ans atteints de
ce trouble montrent encore une grammaire incorrecte, parlent en style télégraphique,
emploient à mauvais escient les pronoms personnels, ou ne conjuguent pas
les verbes.
Les difficultés langagières reliées
à la dysphasie ne sont pas insurmontables : une évolution favorable
est souvent la règle, mais l’enfant parle tard et son langage garde
généralement, à des degrés variables, la marque du
trouble initial.
Un cas particulier de dysphasie, la
dyslexie, amène des difficultés de lecture.
Les patients aphasiques qui conservent
une bonne compréhension et sont motivés à réapprendre
à parler ont de bons pronostics de récupération langagière.
L’amélioration peut se poursuivre pendant près de 3 ans après
la l’accident. À l’opposé, s’il n’y a pas
eu d’amélioration au bout de 3 mois, les pronostics sont assez sombres.
L’anosognosie
désigne un état où le patient dénie son handicap,
qu’il soit moteur (hémiplégie), mnésique (amnésie)
ou encore langagier (aphasie). Dans le cas de l’aphasie de Wernicke par
exemple, le patient n'a pas conscience de la désorganisation de son langage.
Ni de ses difficultés à comprendre le discours des autres. Le fait
que le patient «ne sait pas qu’il ne sait pas» complique la
communication avec eux.
Les
deux formes générales d’aphasie les plus fréquentes
sont celles de Broca et de Wernicke. Vers la fin du dix-neuvième siècle,
ces deux neurologues ont décrit deux
emplacements différents dans le cerveau où des lésions
avaient produit des déficits du langage distincts.
L’aphasie
de Broca (ou aphasie motrice ou encore aphasie d’expression) survient
suite à des lésions de l’aire de Broca de l’hémisphère
frontal gauche. L’individu qui en souffre cherche ses mots, parle au ralenti
et son discours a un style télégraphique. À la question:
« Pourriez-vous expliquer ce que vous faites à l’hôpital
? », un patient aphasique répond par exemple : « Oui. Bien
sûr. Moi vais, euh, heu, neuf heures, parler… deux fois…lire…éc…,
euh écri…, écrire…pratiquer… progres…-ser.
»
L’aphasique utilise surtout les mots qui ont un contenu
et a de la difficulté avec ceux qui ont seulement une fonction syntaxique
(articles, pronoms, conjonctions) ainsi qu’avec les terminaisons des verbes
conjugués. Il leur est également très difficile de distinguer
le sujet de l’objet dans les phrases à la forme passive (par exemple,
«l’élève est félicité par le maître».
Tout cela contribue à réduire significativement la communication
verbale spontanée chez les aphasiques de Broca.
Le patient atteint
d’une aphasie de Broca souffre à l’occasion aussi d’apraxie
ou d’une paralysie partielle affectant le côté droit du corps
(voir encadré). Ceci n’est peut-être pas étranger au
fait que l’aire de Broca se situe près d’autres aires
aux fonctions motrices dans la partie postérieure du lobe frontal.
La compréhension d’un aphasique de Broca est généralement
assez bien conservée, contrairement à l’autre forme fréquente
d’aphasie, celle de Wernicke.
La lésion à l’origine
de l’aphasie de Wernicke (ou aphasie sensorielle ou encore
aphasie de réception) se situe dans la partie supérieure postérieure
du lobe temporal de l’hémisphère dominant, généralement
le gauche. La compréhension de ce qui est dit ou écrit est réduite
parce que cette région joue un rôle crucial dans la relation entre
la reconnaissance du mot et son sens. Des consignes simples comme par exemple
« placer l’objet A au-dessus de l’objet B » montrent qu’il
ne comprend pas ce qu’on lui demande, contrairement à l’aphasique
de Broca. Il peut lire correctement la consigne, mais n’agit pas conformément
au sens des mots.
Au niveau de la production langagière, le jargon,
les néologismes et autre mots incompréhensibles ponctuent le discours.
La grammaire est souvent intacte, mais il y a tant de mots mal utilisés
que la conversation avec un aphasique de Wernicke est très difficile et
n’est pas sans rappeler la
fameuse phrase de Chomsky « Colorless green ideas sleep furiously ».
À la question : « Qu’est ce qui vous a amené à
l’hôpital ? », le patient aphasique de Wernicke répond
par exemple : « Eh bien, je transpire, je suis terriblement nerveux, vous
savez, de temps en temps, je ne peux plus bouger, alors que, d’autre part,
vous savez ce que je veux dire, il faut que je m’agite, regarde tout ce
qui se passe, et tout le reste avec. » Un autre à qui l’on
demande de décrire une tortue répond : « la torpie, un amidjan
qui va dans les jardins ».
Le discours d’un aphasique de
Wernicke est donc un étrange mélange de clarté et de charabia
soutenu par un débit qui demeure très fluide. Enfin, contrairement
aux personnes atteintes d'aphasie de Broca, les aphasiques de Wernicke ne présentent
habituellement pas d’atteintes neurologiques au niveau moteur (hémiplégie).