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Des souvenirs toujours reconstruits

Intégration et conscience : jamais deux sans trois !

Norman Doidge et la plasticité cérébrale

Edelman considère la conscience primaire dans la perspective du «darwinisme neuronal» un concept qu’il a développé dans le cadre de sa théorie plus générale de la sélection des groupes neuronaux. Selon cette théorie, deux processus évolutifs ont lieu dans notre cerveau.

Le premier lors de son développement, alors qu’une compétition darwinienne s’établit entre des populations de neurones dont les connexions ne sont contraintes que partiellement par les gènes. Et le second, qui est un processus d’apprentissage aux mécanismes similaires mais qui se déroule de manière plus modérée durant toute notre vie.

Grâce à ces deux processus, le cerveau, qui naît avec une surabondance de connexions neuronale, ne conserve que celles qui sont suffisamment stimulées.

Outil : Le Darwinisme neuronal


Le modèle d’Edelman s’accorde avec les expériences de Libet qui démontrent que même si une réponse comportementale peut survenir très rapidement après une stimulation thalamique, l’expérience consciente associée prend environ une demie seconde à apparaître. Pour Edelman et Tononi, ce délai est dû aux longues «boucles réentrantes» qui relient différentes aires distantes dans le cerveau et qui doivent être « fermée » pour que naisse l’impression consciente.


Pour Edelman, la «boucle réentrante» diffère de ce que l’on appelle plus généralement la rétroaction. Celle-ci se produit dans une boucle simple et bien déterminée où les effets reviennent agir sur les causes, pour par exemple en corriger les erreurs.

La boucle réentrante, elle, se développe dans des systèmes ayant subi une sélection et à travers de multiples voies parallèles où l’information n’est pas déterminée à l’avance. Comme la rétroaction cependant, une boucle réentrante peut être locale (à l’intérieur d’une même carte ou assemblée de neurones) ou globale (parmi plusieurs cartes ou des régions cérébrales entières).

Outil : La cybernétique

Faire des liens grâce à l’école d’été sur le raisonnement

La plupart des modèles neurobiologiques de la conscience mettent l’emphase sur l’activité thalamocorticale. Une voie alternative donne au contraire un rôle fondamental aux structures sous-corticales.

Bjorn Merker, le plus ardent promoteur de cette alternative, rappelle qu’être conscient ne signifie pas obligatoirement avoir une conscience de soi. On peut définir une conscience primaire (ou un « affect primaire » pour employer le vocabulaire de Panksepp) comme une capacité à intégrer des sensations de l’environnement avec les objectifs et les émotions du moment d’un individu dans le but de guider son comportement. Et pour Merker, cette conscience primaire dont on ne peut exprimer les contenus verbalement serait le fruit de l’activité de structures sous-corticales.

Il suggère par exemple que le collicule supérieur, en plus de coordonner les mouvements des yeux, de nous permettre de porter attention à quelque chose et d’intégrer l’information en provenance de différentes modalités sensorielles, pourrait également générer une simulation de notre monde sensoriel, simulation qui correspondrait à ce qu’on appelle la conscience primaire.

Les structures sous-corticales qui intéressent Merker correspondent donc à la partie supérieure du tronc cérébral qui va du toit du mésencéphale à la base du diencéphale ainsi que d’autres structures sous-corticales comme la zona incerta, le thalamus ventral et les systèmes de neuromodulation diffus du tronc cérébral.

Ces structures sous-corticales permettraient d’intégrer l’information massivement distribuée dans le cortex au mode d’opération séquentielle et à capacité limitée de ces régions du tronc cérébral. Et c’est justement ce mode d’opération singulier qui donnerait à la conscience primaire les propriétés qu’on lui reconnaît et qui sont nécessaires pour choisir un comportement unique et cohérent.

Ces structures sous-corticales joueraient donc un peu le rôle d’un entonnoir capable de ramener la multitude de processus à l’oeuvre dans le cortex à un seul processus conscient adapté pour la prise de décision en temps réel dans le monde.

Dans ce contexte, Merker pense que le consensus tacite considérant le cortex cérébral comme «l’organe de la conscience» pourrait s’avérer être tout simplement une erreur. Certains ont réagi à ces propos en précisant que le cortex cérébral pouvait être considéré davantage comme «l’organe de la conscience conceptuelle et du raisonnement», et que cela n’était pas remis en question par les observations de Merker sur la conscience primaire et les structures sous-corticales.

N’empêche, les considérations de Merker, comme celles sur des enfants hydranencéphales, pourraient avoir des conséquences bien concrètes. L'hydranencéphalie est la plus sévère des anomalies de développement du cerveau et se différencie de l’hydrocéphalie par l'absence totale de cortex. Le fait que des enfants hydranencéphales sourient et rient d’une manière tout à fait humaine et différente des autres primates est pour Merker une preuve que le tronc cérébral n’est pas seulement une relique reptilienne oubliée dans les soubassements du cerveau. Pour lui, le tronc cérébral humain est spécifiquement humain.

Les définitions médicales de la mort cérébrale basées sur l'absence d’activité corticale seraient ainsi fortement remises en question. Les médecins ne pourraient plus, à tout le moins, assumer que les individus hydranencéphales n’ont pas besoin de médicaments antidouleurs ou d’anesthésie durant des opérations chirurgicales d’envergure.

En bout de ligne, ces observations suggèrent que des mécanismes sous-corticaux prennent part de façon importante dans ce qu’on appelle l’état conscient, et qu’une description globale des phénomènes conscients ne peut être confinée aux boucles thalamocorticales seulement.

Lien : La conscience libérée des structures corticales ?Lien : The brain stem may orchestrate the basics of awarenessLien : Consciousness without a cerebral cortex: A challenge for neuroscience and medicineLien : Consciousness in congenitally decorticate children: developmental vegetative state as self-fulfilling prophecy
VERS UNE CARTOGRAPHIE CÉRÉBRALE DES ÉTATS DE CONSCIENCE?


Plusieurs pensent que la conscience de soi serait le résultat d’une pression évolutive et culturelle, et donc pas seulement le produit du monde physique qui nous entoure mais surtout des individus avec qui l’on communique. D’où l’hypothèse d’une coévolution possible entre nos capacités d’abstraction symbolique liées au langage et cette conscience de soi.

 

V.S. Ramachandran suggère par exemple qu’un nouvel ensemble de structures cérébrales aurait évolué durant l’hominisation pour pouvoir transformer les outputs des aires sensorielles primaires en ce qu’il appelle des « métareprésentations ». Autrement dit, au lieu de produire de simples représentations sensorielles, le cerveau s’est mis à créer « des représentations de représentations » qui vont rendre possible la pensée symbolique. Et c’est sous cette forme bonifiée que l’information sensorielle deviendrait plus aisément manipulable, notamment pour le langage.

 

 

L’une des structures cérébrales impliquées dans la création de ces métareprésentations serait le lobule pariétal inférieur, l’une des régions les plus jeunes, évolutivement parlant, de notre cerveau. Le lobule parietal inférieur se subdivise en gyrus angulaire et gyrus supramarginal chez l’humain où ces structures ont une taille considérable. Juste à côté se trouve l’aire de Wernicke qui est unique à l’être humain, et qui est associée à la compréhension du langage.

 

Pour Ramachandran, l’interaction de l’aire de Wernicke du lobule pariétal inférieur, en particulier le droit, et du cortex cingulaire antérieur, est fondamentale pour générer des métareprésentations à partir des représentations sensorielles, donnant ainsi lieu aux qualia et au sentiment d’un « soi » qui ressent ces qualia.

Mais si l’hémisphère droit, à cause de son implication dans l’image globale du corps, est très important pour générer ce sentiment d’être « soi », l’hémisphère gauche, celui qui est spécialisé dans le langage chez la grande majorité des gens, semble être à sa façon tout aussi essentiel à ce que nous appelons la conscience de soi.

 

D’après Hubel, D. (1988). Eye, Brain, and Vision .

 

C’est en tout cas ce que tendent à montrer les expériences faites avec des personnes au «cerveau divisé» («split-brain», en anglais). Ces personnes ont subi une opération consistant à sectionner complètement le corps calleux, gros faisceaux de fibres nerveuses reliant les deux hémisphères cérébraux, pour empêcher la propagation de crises d'épilepsie d’un hémisphère à l'autre.

Après l’opération, ces individus retrouvent une vie convenable et ne montrent pratiquement pas de séquelles apparentes dans la vie quotidienne suite à la séparation de leurs deux hémisphères. Mais en condition expérimentale où l’on peut présenter certains stimuli à un seul des deux hémisphères, de troublantes dissociations ont pu être observées. En fait, lorsque le cerveau est divisé, il semble que la conscience le soit aussi !

 

Michael Gazzaniga a mis en évidence plusieurs situations où les deux hémisphères cérébraux des patients à cerveau divisé entrent en conflit (voir la capsule expérience ci-bas pour des exemples). De façon générale, si l’on envoie un stimulus visuel à l’hémisphère droit via l’oeil gauche, le sujet affirme n’avoir rien vu mais peut identifier l'objet parmi d'autres si on lui donne à palper avec la main gauche (sous contrôle de ce même hémisphère droit), sans toutefois pouvoir le nommer. Tout se passe comme s’il y avait deux individus dans la même personne; un premier qui dépend de l’hémisphère gauche et peut prend la parole; et un second qui dépend de l’hémisphère droit, qui est privé de parole, mais qui fait la preuve qu’il perçoit et agit en conséquence si on l’interroge correctement.

Qui est en charge ? Nous ?

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52 données étonnantes sur le cerveau

Un cerveau divisé en deux, ça donne une ou deux personnes ?

Libre arbitre et neuroscience

 

Expérience: Ce que nous révèlent les cerveaux divisés sur le langage.

Lorsque le patient est mis dans une situation où ses deux hémisphères entrent en conflit, il utilise les facultés langagières de l’hémisphère gauche pour se parler à lui-même, allant même parfois jusqu’à forcer l’hémisphère droit à obéir à ses commandes. Quand cela s’avère impossible, l’hémisphère gauche va souvent rationaliser ou réinterpréter la séquence d’événements de manière à rétablir une impression de cohérence au comportement du patient. C’est ce phénomène qui a amené Gazzaniga à proposer l’existence d’un « interprète », ou si l’on veut d’un « soi narratif » dans le cortex frontal gauche non seulement des patients au cerveau divisé mais également chez tous les êtres humains.


Ce que répond un patient au cerveau divisé lorsqu'on
lui demande d'expliquer pourquoi sa main gauche
prend la pelle. D’après Joan M.K. Tycko

 

Cet interprète nous raconterait constamment une histoire cohérente construite à partir de nos actions, nos émotions et nos pensées. Ce serait en quelque sorte la « colle » permettant de mettre ensemble les différents éléments de notre histoire personnelle et de nous donner l’impression d’être un agent rationnel.

En fait, pour Gazzaniga, il est même possible que l’hémisphère droit ait aussi son propre interprète. Même s’il ne parle pas, cet observateur de l’hémisphère droit serait capable de mieux comprendre l’ironie, les blagues et d’autres stratégies émotionnelles. Chacun de ces deux interprètes contrôlerait également les mouvements volontaires des membres du côté opposé du corps.

Est-ce qu’un patient au cerveau divisé possède alors deux consciences ? Et chez la personne normale, y’aurait-il également ces deux consciences qui seraient cependant intimement reliées pour nous donner cette impression de n’être qu’une seule et même personne ?

La présence d’un « interprète », d’une espèce d’observateur dans le cerveau, ne fait en tout cas pas consensus et certains, comme Daniel Dennett, l’ont fortement critiqué. Chose certaine, les expériences avec les cerveaux divisés ont fait couler beaucoup d’encre et n’ont pas fini d’en faire couler…

 

Ceci dit, si certains modèles neurobiologiques de la conscience ciblent des structures particulières du cerveau comme le lobule pariétal inférieur ou mettent plutôt l’emphase sur un hémisphère en entier, d’autres en contrepartie affirment carrément que la conscience n’est le fait d’aucune structure précise du cerveau.

Rappelons que l’étude des bases neurobiologiques de la conscience a souvent été abordée comme celle de toute autre fonction, c’est-à-dire en analysant la contribution de différentes régions cérébrales ou de différents groupes de neurones. Mais plusieurs ont critiqué cette approche conventionnelle qui, selon eux, n’est pas pertinente pour étudier une fonction aussi globale que la conscience. Ils rappellent d’une part que des dommages à pratiquement n’importe quelle structure cérébrale a des effets sur la conscience. Et d’autre part, que des lésions localisées affectent la conscience, mais l’anéantit rarement complètement. Un autre fait, souligné par Gerald M. Edelman et Giulio Tononi, est que les circuits de notre cerveau sont très redondants (« massively degenerate », en anglais) et que plusieurs circuits peuvent accomplir la même fonction.

Edelman et Tononi font donc partie de ceux qui appuient l’idée que le cerveau en entier aurait son mot à dire dans les processus conscients. Leur modèle vise à expliquer deux caractéristiques de la conscience qui leur semblent fondamentales : le fait que chaque état de conscience est un tout indivisible, et qu’en même temps chaque personne peut choisir à tout moment entre d’innombrables états conscients. En d’autres termes, leur modèle veut rendre compte de l’unité de la conscience et de sa complexité.

Comme la plupart des neurobiologistes qui tentent de modéliser la conscience, Edelman et Tononi se voient eux aussi contraints de distinguer au moins deux grandes formes de conscience, la conscience primaire et la conscience d’ordre supérieur.

La conscience primaire que nous partageons avec plusieurs autres animaux est celle qui permet de prendre conscience de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Elle fait appel à une mémoire à court terme qui rend possible le « présent remémoré », pour employer l’expression d’Edelman. Lorsqu’un stimulus est reçu par l'organisme, il y a formation de cartes perceptuelles constituées d’assemblées de neurones dont les connexions réciproques sont renforcées.

Il en résulte un système de « cartes neuronales », chacune responsable de nos différentes possibilités perceptuelles, qui sont issues d’un processus sélectif appelé « Darwinisme neuronal » par Edelman (voir le premier encadré). Quand le cerveau reçoit une nouvelle stimulation, plusieurs de ces cartes vont être activées et vont s’envoyer des signaux mutuels. La conscience primaire naîtrait de l’interaction de différentes assemblées neuronales codant pour différentes propriétés d’un objet. Interaction qui se ferait surtout par l’entremise de connexions réciproques formant des boucles qui peuvent unir des groupes de neurones parfois très éloignés dans le cerveau.

La conscience primaire dépendrait donc à chaque instant de l’activité parallèle et récursive à l’intérieur et entre des régions du thalamus et du cortex. Même s’ils ne cherchent pas à faire une association trop étroite entre certaines structures cérébrales et les états conscients, Edelman et Tononi reconnaissent tout de même l’importance indéniable des boucles thalamo-corticlales dans l’émergence de la conscience, bien qu’ils accordent moins d’importance à la synchronisation neuronale en tant que telle qu’à la signification fonctionnelle de ces boucles.

La conscience d’ordre supérieur, qui émerge durant l’hominisation, dépendrait elle aussi de ces «boucles réentrantes» entre des assemblées de neurones. Mais des boucles qui se situeraient à plus grande échelle dans le cerveau, en particulier entre les aires corticales associées au langage et celles associées aux concepts abstraits. L’explosion des capacités sémantiques qui s’ensuit permettrait alors l’émergence du concept de soi, et donc la considération de la conscience primaire à la lumière du passé et du futur. Autrement dit, l’émergence d’une conscience d’avoir conscience, ce qui est la définition de la conscience d’ordre supérieur.

Concrètement, tout cela serait rendu possible par la constitution d’un «noyau dynamique», c’est-à-dire une vaste assemblée de neurones en réarrangement constant, mais qui maintient une continuité et est aussi capable d’intégration à travers la complexité (les deux caractéristiques principales de la conscience dont ce modèle veut rendre compte). En d’autres termes, le noyau dynamique permettrait de rendre compte du fait qu’à tout moment, il n’y a qu’un seul objet conscient, mais que la conscience peut passer très rapidement d’un objet à l’autre.

Tout comme Llinás ou Freeman, Edelman et Tononi insistent donc sur l’aspect dynamique de leur noyau qui réfère ici non pas à une structure anatomique stable mais bien à un pattern d’activité éphémère impliquant les neurones de différentes régions du cortex à un moment donné.

Et comme à tout moment, le noyau dynamique peut impliquer des régions du cerveau complètement différentes, cette hypothèse évite donc de devoir désigner une région cérébrale particulière, ou un type de neurone particulier, ou encore une fréquence d’activité neuronale particulière qui serait associée à nos états de conscience. À la place, ce modèle propose qu’une activité neuronale participe à un état conscient si elle se trouve incluse, au moment où cet état est conscient, dans le noyau dynamique.

Cette hypothèse a donc beaucoup de chose en commun avec les théories de l’espace de travail global, bien qu’elle s’en distingue par le fait qu’un contenu n’est pas rendu conscient simplement parce qu’il est rendu disponible au reste du système. Dans l’hypothèse du noyau dynamique, il n’y a pas l’équivalence entre accessibilité et conscience que l'on retrouve dans les théories de l’espace de travail global.

Bien que les neurones de ce système dynamique interagissent principalement entre eux, ils influencent et sont influencés par d’autres structures cérébrales. En effet, même si le modèle de la conscience d’Edelman et Tononi, contrairement à d’autres, ne cherche pas à mettre certaines régions du cerveau «en vedette», plusieurs structures cérébrales y sont mentionnées comme jouant un rôle important.

 


(Source : Susan Blackmoore, Consciousness: An Introduction , d’après Edelman et Tononi)


 

C’est le cas bien entendu du thalamus et du cortex qui participent à la formation des boucles réentrantes. Mais c’est aussi le cas des noyaux du tronc cérébral dont les axones remontent dans de vastes régions du cerveau, et qui relâchent de manière diffuse des neurotransmetteurs comme la noradrénaline, la sérotonine, l’acétylcholine ou la dopamine. Le seuil d’activation des différentes assemblées de neurones du cortex sera alors déterminé par ces systèmes de neuromodulation diffus (Edelman parle en anglais de « diffuse ascending value systems”).

Certains neurones de ces noyaux neuromodulateurs vont par exemple être en activité tonique quand l’animal est éveillé et l’arrêt de cette activité va contribuer à plonger l’animal dans le sommeil. D’autres vont produire une activité phasique quand quelque chose de nouveau ou d’important pour l’animal apparaît dans l’environnement. Par exemple, les neurones du locus coeruleus relâchent dans la majorité des structures cérébrales une bouffée de neuromodulateurs, dans ce cas-ci de la noradrénaline, dès qu’un animal entre dans un nouvel environnement ou que quelque chose d’inusité survient.

Ces neuromodulateurs peuvent donc modifier l’activité de vastes populations de neurones. Ils peuvent également changer la probabilité que des synapses se renforcent ou s’affaiblissent en réponse à une activité neuronale donnée. Ces systèmes de neuromodulateurs sont donc extrêmement bien conçus pour amplifier un type d’activité cérébrale au dépens d’un autre.

Enfin, la capacité de choisir entre de nombreux inputs ceux qui ont une certaine importance relativement à l’histoire individuelle d’une personne constitue avantage adaptatif certain. L’hippocampe, qui a co-évolué avec le cortex et interagit avec lui pour produire ce que l’on appelle une mémoire épisodique, joue probablement un rôle clé dans ce processus.



Mazoyer et ses collaborateurs ont effectué une méta-analyse de plusieurs expériences d’imagerie cérébrale. Dans chacune de celles-ci, l'activité cérébrale des sujets effectuant des tâches diverses avait été comparée à l’activité cérébrale des sujets dans un état conscient au repos. La recherche de conjonctions entre ces états de repos dans les différentes expériences a mis en évidence un réseau d’aires cérébrales activées conjointement durant l’état de repos conscient. Ces aires cérébrales comprennent les deux gyrus angulaires, le precuneus antérieur gauche, le cortex cingulaire postérieur, la région médiane gauche du cortex frontal, le cortex cingulaire antérieur, le sulcus médian frontal et le sulcus supérieur gauche, et finalement le cortex frontal inférieur gauche.

 

 

Ces résultats suggèrent que l’activité cérébrale durant l’état de repos conscient dépend d’un large réseau d’aires corticales associatives pariétales et frontales. De plus, pour les auteurs de l’étude, ces régions peuvent être organisées autour de deux grands axes fonctionnels : d’une part un réseau pariéto-frontal lié à la mémoire de travail de type épisodique et activé en parti par les émotions; et d’autre part un système exécutif situé dans le lobe préfrontal gauche et qui supervise le réseau pariéto-frontal.

 


Le réseau cérébral du mode par défaut

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