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Comme pour toutes affections chroniques, deux
méthodes peuvent être employées pour identifier les facteurs
de risque de l’Alzheimer. La première
est l’étude « cas-témoins ».
Elle consiste à suivre un groupe de personnes atteintes (les « cas »)
et à les comparer à des personnes du même âge, du même
sexe et présentant des caractéristiques similaires, mais qui ne
sont pas atteintes (les « témoins »). On recueille
ainsi des données sur le mode de vie actuel et passé des deux groupes.
Et les facteurs de risque seront les facteurs qui s’avéreront plus
fréquents chez les personnes atteintes que chez les personnes saines. La
deuxième méthode, celle de « l’étude
de cohortes », consiste à suivre un groupe de personnes
en bonne santé sur une longue période (on parle aussi d’études
« longitudinales »). Pendant cette période, on va
comparer les individus qui ont certaines caractéristiques communes (tendance
à l'hypertension artérielle, par exemple) ou des modes de vie similaires
(niveau d’activité physique, régime alimentaire carné
ou végétarien, etc.) à ceux qui ne les ont pas. Si l’un
de ces sous-groupes ayant une caractéristique particulière développe
l’Alzheimer avec une incidence significativement plus élevé
que les autres, on dira que le facteur qui caractérise ce sous-groupe est
à risque pour l’Alzheimer. |
Il existe un lien complexe entre l’Alzheimer
et le syndrome de Down, aussi appelé trisomie
21 (parce que la personne qui en souffre a hérité de trois
chromosomes 21 au lieu de deux). Les personnes trisomiques, en plus des malformations
et du retard mental et moteur typique de la maladie, développent autour
de 40 ans des lésions cérébrales caractéristiques
de la maladie d'Alzheimer (plaques
amyloïdes et dégénérescence neurofibrillaire).
La localisation sur le chromosome 21 du gène
de la
protéine précurseur de l’amyloïde, qui contribue
à la formation des plaques, explique la surproduction de la protéine
et des plaques amyloïdes chez les trisomiques. Mais même si la grande
majorité de ceux-ci développent ces changements cérébraux
autour de la quarantaine, plusieurs atteignent 50, 60 ou même 70 ans sans
les déficits comportementaux associés normalement à l’Alzheimer.
D’autres changements dus à l'âge
avancé qui surviennent normalement en parallèle chez les patients
Alzheimer non trisomiques expliqueraient-ils ce décalage ? De futures recherches
nous le diront peut-être… |

Malbouffe
et Alzheimer : des liens plus étroits quon pensait
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FACTEURS
DE RISQUE ET PRÉVENTION | | Bien que la recherche ait fait
beaucoup progresser nos connaissances des mécanismes à l’œuvre
dans la démence de type Alzheimer, ses causes ultimes demeurent méconnues.
La recherche a toutefois permis de mettre en évidence des facteurs de risques
(voir l’encadré). Comme pour d’autres maladies chroniques,
ces facteurs de risque peuvent se combiner pour déclencher l’Alzheimer. Mais
avant de considérer ces
facteurs de risque environnementaux et génétiques, il faut noter
qu’il existe deux formes de l’Alzheimer, la forme dite « sporadique »
et la forme dite « familiale ». Cette dernière a
tendance à avoir un déclenchement hâtif avec des déficits
qui apparaissent entre 30 et 65 ans, contrairement à la forme sporadique
qui débute habituellement après 65 ans. Mais
outre cette différence, les deux affections sont en tout point similaires
au niveau de la nature des symptômes
et des anormalités
cérébrales et biochimiques
observées. Ce qui les distingue surtout, c’est d’abord leur
fréquence relative : la forme sporadique représente l’immense
majorité des cas alors que la forme familiale est beaucoup plus rare avec
5 à 7 % des cas environ. Par ailleurs, la forme sporadique n’a pas
de composante héréditaire décisive, tandis que la forme familiale
est fortement déterminée par certains gènes. Quand
on parle des facteurs de risque de l’Alzheimer, il faut donc d’abord
préciser laquelle de ses formes on considère, puisque les facteurs
de risque génétique sont très différents pour les
deux formes. Pour la forme
familiale d’abord, ce sont les gènes qui déterminent
en grande partie l’avènement de la démence. On en a identifié
trois, sur trois chromosomes différents : le gène de la
protéine précurseur de l’amyloïde (APP) sur le chromosome
21, le gène préséniline 1 (PS1) sur le chromosome 14 et le
gène préséniline 2 (PS2) sur le chromosome 1. Une personne
va développer la forme familiale de l’Alzheimer si elle hérite
d’un seul de ces gènes rendus défectueux par une mutation.
Ces gènes mutés produiront à
leur tour des protéines défectueuses, et plusieurs indices portent
à croire que ces dysfonctionnements conduisent à une augmentation
d’une forme
de protéines bêta-amyloïde qui s’accumule en plaques
toxiques dans le cerveau. Il s’agit donc
d’une dysfonction « autosomale dominante ». « Autosomale »,
parce que les gènes impliqués ne sont pas situés sur un chromosome
sexuel X ou Y (déterminant le sexe d’une personne), et « dominante »
parce que la personne n’a besoin que d’une copie du gène muté
pour en souffrir. Une personne qui hérite d’un de ces gènes
mutés développe donc systématiquement l’Alzheimer et
la transmet à la moitié de sa descendance. Autrement dit, un enfant
ayant un parent atteint de la forme familiale de l’Alzheimer aura une probabilité
de 50 % d’en hériter lui aussi. Cela
étant dit, il n’y a qu’environ la moitié des cas d’Alzheimer
à « déclenchement hâtif » qui sont dus
aux mutations de la forme familiale. Et même si plusieurs membres d’une
même famille sont touchés par l’Alzheimer, cela ne signifie
pas forcément qu’il s’agisse de la forme familiale. Cela pourrait
être la forme sporadique, qui n’est pas complètement indépendante
des antécédents familiaux. Car on sait
aujourd’hui que même dans le cas de la forme sporadique,
le fait d'avoir un parent proche (père, mère, frère ou soeur)
atteint de l'Alzheimer augmente le risque de développer celle-ci. Il existe
donc des facteurs génétiques à risque pour la forme sporadique,
c’est-à-dire des gènes qui ne causent pas directement l’Alzheimer
comme pour la forme familiale, mais qui sont plus fréquents chez les personnes
atteintes, bien qu'on les retrouve aussi chez des sujets normaux. Si
plusieurs gènes sont suspectés d’être des facteurs de
risque pour la forme sporadique de l’Alzheimer (CLU, CR1, etc), le plus
connu est sans conteste l'allèle 4 du gène de l'apolipoprotéine
E (APOE4) découvert en 1993 sur le chromosome 19. Ce gène APOE contribue
à la fabrication d’une protéine qui aide à transporter
le cholestérol dans le corps, et différentes
explications ont été proposées pour expliquer ses effets
néfastes dans l’Alzheimer. Le gène
APOE a trois allèles principaux, e2, e3 et e4. Il s’agit de trois
versions du gène qui, sans être des mutations délétères
conduisant à des protéines dysfonctionnelles comme pour la forme
familiale de l’Alzheimer, sont des variantes plus ou moins efficaces qui
sont apparues au
fil de l’évolution. Dans le cas du
gène de l’APOE, on retrouve ses variantes dans la population dans
des proportions connues : 51% pour l’APOE2, 80 % pour l’APOE3
et 15 % pour l’APOE4. La forme la plus commune, e3, n’a pas d’effet
sur l’incidence de l’Alzheimer. L’allèle e2 pourrait,
quant à lui, diminuer l’incidence de l’Alzheimer chez ceux
qui le possèdent. Ce sont les personnes qui ont l’allèle e4
sont plus susceptibles de développer l’Alzheimer. Comme tous nos
gènes sont en deux copies (l’une en provenance de la mère,
et l’autre du père), ceux qui n’héritent que d’une
copie de APOE4 voient leur risque d’Alzheimer augmenter de trois fois environ.
Pour ceux dont les deux copies sont e4, le risque est multiplié environ
par onze. Cela revient à dire qu’à 65 ans, environ la moitié
de ces derniers auront une démence de type Alzheimer. La
présence de l' APOE4 n'est donc ni nécessaire ni suffisante pour
développer la maladie d'Alzheimer, mais le risque augmente avec le nombre
d’allèles e4. Cela veut non seulement dire qu’une personne
qui est porteuse de deux gènes de l’APOE4 n'en sera pas nécessairement
atteinte, mais aussi qu’une personne qui n'est porteuse d’aucun allèle
e4 peut quand même développer l'Alzheimer. L’autre
grand facteur de risque de la forme sporadique de l’Alzheimer pour ces personnes
sans APOE4, comme d’ailleurs pour ceux qui en ont, est tout simplement l’âge.
L’âge est en effet considéré
comme le facteur de risque le plus important pour le développement de l’Alzheimer.
Car même si ce type de démence
peut apparaître avant 50 ans, la plupart des personnes atteintes ont
plus de 65 ans. Chose certaine, aucun adolescent n’est atteint. Il semble
qu’en vieillissant, les mécanismes naturels de réparation
du cerveau perdent de leur efficacité, un déclin dont l’importance
peut toutefois varier selon les individus. De plus, d’autres facteurs de
risque reconnus pour augmenter avec l'âge comme l’hypercholestérolémie
ou le surpoids, sont aussi des facteurs de risque reconnus. Le
sexe est également un facteur de risque de l’Alzheimer.
En l’occurrence, le sexe féminin, puisque deux fois plus de femmes
que d'hommes sont atteintes d'Alzheimer au-delà de 65 ans. Comme les femmes
vivent en moyenne plus longtemps que les hommes et que l'âge est un facteur
de risque de l’Alzheimer, cette longévité accrue des femmes
explique sans doute au moins partiellement l’écart observé.
D’autant plus que les femmes âgées se retrouvent ainsi davantage
exposées à des maladies dont la prévalence augmente avec
l’âge comme le diabète, qui est aussi un facteur de risque
de l’Alzheimer. La diminution du taux d’œstrogène
qui survient à la ménopause est aussi évoquée pour
expliquer le risque accru de l’Alzheimer chez la femme, cette hormone ayant
des effets protecteurs sur le cerveau. Enfin, au début
de 2009, une étude a mis en évidence un premier gène qui
favoriserait l’Alzheimer chez la femme. Il s’agit d’une variante
du gène de la protéine PCDH11X, qui se trouve sur le chromosome
sexuel X, celui dont les femmes possèdent deux copies et les hommes seulement
une (le chromosome qui complète la paire chez l’homme étant
le Y, reçu de leur père). L’étude montre que ce ne
sont que les femmes qui ont ce gène PCDH11X anormal sur leurs deux chromosomes
X qui ont un risque plus élevé de développer l’Alzheimer. De
nombreux autres facteurs de risque ont été répertoriés
pour l’Alzheimer. Des liens étroits existent
par exemple entre les facteurs de risque des maladies cardiovasculaires
et ceux de l’Alzheimer. L’hypertension ou un taux de cholestérol
trop élevé sont en effet des facteurs susceptibles de déclencher
ou d’accélérer l’Alzheimer. Et de fait, il semble qu’un
contrôle efficace des problèmes d’hypertension ou d’hypercholestérolémie
réduit le risque d’apparition de l’Alzheimer chez les patients
traités et en ralentit la progression chez les personnes déjà
atteintes. La découverte qu’une version
défectueuse du gène SORL1 semble impliquée dans certains
cas d’Alzheimer renforce d’autant plus ce lien puisque ce gène
est également relié au cholestérol. Cette variante du gène
SORL1 fabrique en moins grande quantité le récepteur de la protéine
APOE, elle aussi clairement associée au métabolisme du cholestérol
et aux plaques
amyloïdes de l’Alzheimer. On a aussi
déjà mentionné le diabète (celui
« de type 2 » (adulte)) comme autre facteur de risque de
l'Alzheimer, notamment à cause des problèmes cardiovasculaires qui
lui sont associés. On sait par ailleurs que le glucose est moins bien assimilé
dans le cerveau d'une personne souffrant d'Alzheimer, exactement comme un diabétique
va mal assimiler le glucose dans son organisme. Sans être diabétique
au sens habituel du terme, il semble que la personne souffrant d’Alzheimer
ait une production réduite d'insuline dans le cerveau et que ses neurones
y sont moins sensibles (la production de l'insuline dans le cerveau étant
indépendante de celle dans l’organisme). Le
stress est un facteur de risque de l’Alzheimer par l’entremise
du cortisol
dont l’effet
délétère sur les populations neuronales est bien connu.
Comme le stress accélère aussi le vieillissement tissulaire par
l’entremise d’une plus grande production de radicaux libres, il favorise
aussi l’Alzheimer dont l’âge est un facteur de risque si important.
Les liens intimes entre stress chronique, inhibition
de l’action et dépression
font aussi en sorte que celle-ci se voit souvent associée aux facteurs
de risque de l’Alzheimer. Les accidents
cérébraux vasculaires (ACV), y compris les « mini-ACV »
peuvent favoriser l’avènement plus précoce de démences
vasculaires mais également de type Alzheimer. Même chose pour
les traumatismes graves à la tête, souvent accompagnés
de pertes de conscience (les commotions à répétition chez
les boxeurs, par exemple). Des études ont démontré
que les personnes ayant moins de six ans de scolarité semblent être
plus susceptibles à l’Alzheimer. Mais il se pourrait aussi que des
facteurs associés à cette faible scolarité,
tels de bas revenus entraînant un mode de vie malsain, puissent expliquer
cette susceptibilité. De manière plus
générale, le peu de stimulation intellectuelle
ou d’activité physique a ici, comme pour bien d’autres
pathologies, un effet aggravant.
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