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Outil : La monogamie humaine : causes et conséquences La monogamie humaine : causes et conséquences

 

L’intelligence collective des groupes humains

Chercher du sens à la vie devant la mort


L'AMOUR COMME CIMENT SOCIAL

Les travaux de Humberto Maturana sur l’imbrication de la biologie et de la culture a apporté une contribution originale à notre compréhension des sociétés humaines. Dans Origins of Humanness in the Biology of Love, coécrit avec Gerda Verden-Zoller, il présente les articulations majeures de cette conception bio-culturelle de notre humanité.

Ce que nous appelons couramment les « émotions » sont ici redéfinies comme des « dispositions à agir ». Et parmi toutes ces dispositions à agir, celles qui auraient eu la plus grande influence sur le développement cognitif singulier de la lignée humaine serait ce qu’il appelle simplement « l’amour ».  

Matarana a déjà parlé « d’adhérence biologique » (« biological stickiness », en anglais) pour désigner deux systèmes biologiques qui, lorsqu’ils se rencontrent, ont tendance à rester ensemble et à interragir de manière récurrente l’un avec l’autre. Le terme amour, quoique plus équivoque car énormément connoté, ne désigne cependant pas autre chose pour Maturana quand appliqué à l’être humain. Et qu’on le prenne au sens de tomber en amour avec quelqu’un ou dans le sens d’aimer ses enfants ou ses ami(e)s, il s’agit toujours, pour Maturana, d’un phénomène biologique relationnel où l’autre émerge en tant qu’interlocuteur légitime dans un climat de confiance et de convivialité.

Bien que leur influence précise et leur moment d’apparition soient encore débattues, plusieurs facteurs sont à l’origine de l’évolution de cette émotion particulière chez les mammifères. À commencer par les soins maternels et, durant l’hominisation, des phénomènes comme la néoténie, la plus grande disponibilité sexuelle de la femme, sa grande charge parentale, la monogamie particulière de notre espèce (voir la capsule outil à gauche), etc.

Le développement de cette émotion très puissante qu’on appelle l’amour est donc pour Maturana un élément primordial à l’origine de la complexité sociale humaine unique dans le monde animal. Et l’apparition de cette autre caractéristique unique à notre espèce qu’est le langage, et qui contribue grandement à cette complexité sociale, n’aurait pu se développer sans l’intimité et la confiance découlant de ce lien affectif fondamental qui est le nôtre.

Et encore une fois, il ne s’agit pas d’un jugement moral à propos de l’amour, mais simplement le constat d’une tendance à la création de liens intimes dans notre lignée. Une tendance déjà présente avant nous, et que les primatologues considèrent de façon plus prosaïque comme le simple rafinement de ce que l’on observe chez les autres espèces sociales de primates, à savoir que l’autre constitue un vecteur de satisfaction de besoins individuels.

Cette manière de vivre ensemble des êtres humains est donc l’aboutissement, pour reprendre les termes de Maturana, d’une longue et lente dérive. Au même titre que le langage qui, pour lui, a émergé progressivement de ces contacts intimes entre les individus et de la nécessissité de coordonner leurs actions. Maturana parle d’ailleurs en anglais de « languaging », (comme il utilise « emotioning »), pour insister sur le fait que les mots servent avant tout à coordonner ces actions communes qui tissent à tout moment notre société. Le caractère symbolique ou abstrait des mots est donc pour lui quelque chose de secondaire, de postérieur aux causes plus concrètes de l’origine du langage.

L’humanité devient alors ce « réseau de conversations » qui est, pour Maturana, ce qui se conserve de génération en génération et qu’on appelle l’évolution culturelle. Dans cette perspective, l’intelligence n’aurait pas tant évolué pour nous permettre de résoudre des problèmes, mais parce qu’elle a été façonnée par la coopération et la création des consensus sociaux complexes propres à notre espèce.

Voilà pourquoi Maturana affirme que l’amour, c’est-à-dire pour lui tout ce qui nous amène à collaborer avec les autres, est le véritable moteur de l’expansion de notre intelligence. Et à l’opposé, tout ce qui s’oppose à ce phénomène biologique relationnel, la peur, la colère, l’envie, l’agressivité, va ralentir l’épanouissement intellectuel d’un individu ou d’un groupe. On sait d’expérience que « la colère est mauvaise conseillère » et qu’on peut être « aveuglé par la haine »…

Maturana souligne d’ailleurs que la plasticité neuronale requise par le langage est telle qu’on peut dire que tous les êtres humains sont fondamentalement également intelligents. Pour lui, ce sont nos émotions qui, en modulant nos interactions potentielles avec les autres, enrichit ou apauvrit nos possibilités de collaboration avec eux. Et ce faisant, nous rend plus ou moins accessibles aux réflexions nouvelles susceptibles d’améliorer nos facultés d’adaptation à un environnement changeant, ce qui est la définition de base de l’intelligence.

Depuis la révolution néolithique, c'est-à-dire depuis 10 ou 12 000 ans, alors que les groupes humains ont commencé à se sédentariser, à faire de l’agriculture et de l’élevage, les rapports sociaux se sont complexifiés en parallèle avec l’élaboration de systèmes de pensée, d’idéologies politiques, de religions, etc. Ces systèmes de dominance hiérarchique ont acquis une grande efficacité grâce aux alibis rationnels que permet le langage dans l’espèce humaine. Ces justifications langagières rationnelles sont venues décupler la puissance de phénomènes déjà présents chez nos cousins primates comme la tromperie, les hiérarchies sociales, les alliances, etc.

Pour Maturana, ces mécanismes permettant d’exploiter autrui, en niant leur  légitimité première en tant qu’être humain, constituent un processus s’opposant au développement intelligent de notre lignée, à cette émotion primordiale créatrice de liens et de coopération qu’il appelle l’amour. Or cette préoccupation pour autrui, qui émerge naturellement dans toutes les cultures, est mise à mal par des moyens technologiques de plus en plus puissants dans nos cultures occidentales dominées par les idéologies de compétition, d’agression et de domination envers les autres et la nature.

Voilà pourquoi ces réflexions sur l’origine de la lignée humaine débouchent inévitablement sur un questionnement éthique des valeurs qui sont mises de l’avant dans nos sociétés contemporaines. Voulons-nous vivre dans le déni des autres êtres humains afin de profiter d’une place avantageuse dans le système hiérarchique du moment ? Ou bien voulons-nous laisser s’exprimer plutôt le caractère essentiel qui a rendu possible l’émergence de la lignée humaine, à savoir l’amour au sens où Maturana la définit et tout ce qu’il génère (lien intime, coopération, intelligence, etc.) ? Force est d’admettre, en tout cas, que la morale humaine s’enracine au plus profond de la biologie de nos comportements…

Outil: La primatologie
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