Capsule outil: La monogamie humaine : causes et conséquences

La monogamie est plus souvent l'exception que la règle dans le monde animal.

Même chez les oiseaux, où près de 85 % des espèces sont monogames et où autant le mâle que la femelle participent aux soins donnés à la progéniture, on observe un taux élevé de rupture du lien de couple après une certaine période.

Le mode d'appariement le plus fréquent dans le monde animal est plutôt la polygynie, c’est-à-dire un mâle simultanément apparié à plus d'une femelle. Par exemple, la monogamie est un phénomène rare chez les mammifères qui ne concerne qu’environ 5 % des espèces.

Parmi nos plus proches cousins primates, comme les chimpanzés, les gorilles ou les orangs-outans, la plupart sont polygynes. D’autres, comme les bonobos, vivent même en promiscuité, chaque femelle pouvant copuler avec plusieurs mâles et chaque mâle avec plusieurs femelles. Une exception parmi les grands singes est celle des gibbons, qui mènent une vie arboricole et sont monogames.

Durant l’hominisation (voir la capsule ci-bas), les populations humaines auraient été principalement polygynes jusqu'à un passé récent où il y aurait eu passage vers la monogamie.

Mais, comme on le sait d’expérience, les humains ne sont pas ce qu’on pourrait appeler des modèles de fidélité conjugale… Bien que la plupart vivent en couples, les aventures extraconjugales se rencontrent fréquemment. Et sans certaines contraintes culturelles (on pense par exemple à la religion), peu de gens passent leur vie entière avec le ou la même partenaire. Ruptures et divorces rythment la monogamie humaine. Il serait donc plus juste de qualifier notre monogamie de « séquentielle », où plusieurs partenaires se succèdent habituellement au cours d’une vie humaine.

Malgré ces nuances, le couple humain demeure une invention singulière et déterminante pour notre espèce, dont les causes ultimes sont encore débattues.

L’explication évolutionniste classique est qu’il serait en partie dû au fait que le bébé humain est extrêmement dépendant à sa naissance, et ce pour plusieurs années. Cela impose une charge parentale énorme sur la mère que le père aurait avantage à alléger s’il veut assurer la survie de sa descendance. À titre de comparaison, les femelles chimpanzés n’ont qu’un petit à la fois dont elles s’occupent seules pendant les 4-5 premières années de vie. Durant cette même période, une femme peut très bien avoir 3 ou 4 enfants, tous entièrement dépendants d’elle en même temps.

Comparé aux autres primates ayant comme nous une structure sociale élaborée, nous sommes aussi les seuls qui, en plus de vivre dans un groupe, faisons également partie de clans ou de tribus plus larges qui entretiennent des liens de différentes natures entre eux. Et c’est cette imbrication de groupes à l’intérieur de groupes plus larges, que l’on n’observe que chez les humains, qui serait à l’origine des États modernes.

Pour les anthropologues et les ethnologues, deux phénomènes jouent un rôle crucial dans l’établissement de ces structures sociales imbriquées chez les humains.

Le lien préférentiel qu’établissent un homme et une femme pour former un couple va d’abord permettre à l’homme reconnaître sa descendance. Chez les chimpanzés, une telle reconnaissance de la paternité n’existe pas. Les mâles, qui copulent avec plusieurs femelles, ne s’occupent pas de leurs petits, qu’ils ne savent d’ailleurs pas distinguer de ceux des autres. Le fait qu’un père reconnaît ses enfants et que ceux-ci reconnaissent leur père (qui est le mâle en couple avec leur mère) va être d’une grande importance en conjonction avec un second phénomène.

Il s’agit de l’exogamie, dans le contexte de la monogamie humaine, qui est l’un des principaux facteurs explicatifs de la complexité croissante de nos sociétés. En effet, l’exogamie, c’est-à-dire le fait d’aller chercher un partenaire de reproduction à l’extérieur de son groupe social, crée des alliances inter-groupes puisque l’individu qui trouve un partenaire dans un autre groupe continue de conserver des liens privilégiés avec ses frères, ses sœurs, sa mère et même son père dans son groupe d’origine. Les deux groupes sont donc plus enclins à créer des liens qu’à laisser cours à l’hostilité naturelle envers un groupe étranger que l’on observe par exemple chez les chimpanzés. À l’opposé, chez ces derniers, il n’y a pas de liens significatifs qui se conservent chez l’individu qui change de groupe, et donc pas d’alliances inter-groupes et de possibilité d’imbrication de sous-groupes, comme chez les humains.

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