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De l'embryon à la morale

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Chercheur : Research at the Kalil Lab Chercheur : Kathryn W. TosneyChercheur : Kathryn W. TosneyChercheur : The Cohan Lab at the State University of NY at Buffalo
Chercheur : Jonathan A. Raper

Un autre processus qui contribue à mener les axones à bon port est celui de la fasciculation par lequel les neurones qui se développent ensemble s’associent en se chevauchant les uns sur les autres. Comme la surface de la matrice extracellulaire est limitée, cela permet à plusieurs neurones de s’empiler littéralement sur celui qui avance sur le substrat. La fasciculation est rendue possible par l’expression de molécules présentes sur la surface des membranes neuronales appelées molécules d’adhésion (ou CAM pour Cell Adhesion Molecules, en anglais). Les CAMs des axones voisins interagissent donc pour permettre l’adhésion mutuelle de ceux-ci et une croissance groupée vers leur cible.

LE CÔNE DE CROISSANCE
LES MOLÉCULES QUI GUIDENT LE CÔNE DE CROISSANCEFACTEURS DE CROISSANCE ET MORT NEURONALEFORMATION ET STABILISATION SÉLECTIVE DES SYNPASES

Le cône de croissance est la structure amiboïde située au bout de l’axone en croissance et qui le tire vers l’avant. La motilité du cône de croissance est ponctuée de phases de protrusion, d’adhésion et de contraction.

La protrusion du cône de croissance dans la bonne direction dépend de toute une machinerie cellulaire qui répond aux signaux de l’environnement par l’entremise de récepteurs spécialisés. On sait par exemple que c’est la polimérisation de l’actine qui provoque l’avancement du cône de croissance et que la cascade biochimique qui déclenche cette polimérisation implique des GTPases de la famille Rho.

Les filaments d’actine dans l’axone en croissance se projettent dans les filipodes. De manière moins organisée, ils envahissent aussi les lamellipodes pour former une sorte de treillis. Près de la périphérie du cône de croissance, les filaments d’actine s’allongent par polymérisation des protéines d’actine. À l’opposé, vers la région centrale des lamellipodes, les filaments d’actine subissent un désassemblage. C’est d’ailleurs ce même processus que l’on retrouve chez toutes les cellules qui se déplacent par protrusion de lamellipodes.

Au centre de l’axone qui s’allonge derrière le cône de croissance en progression, un cytosquelette fait de protéines de tubuline se forme. Des vésicules voyagent le long de ces microtubules et viennent fusionner avec la membrane du cône de croissance pour lui permettre de prendre de l’expansion.



Source : Max-Planck-Institut

La croissance de l’axone dépend de l’interaction moléculaire entre le cône de croissance et son substrat. L’une des composantes principales de ce substrat est la matrice extracellulaire formée des protéines fibreuses situées entre les cellules. À travers cette matrice se dessine de véritables corridors balisés par des protéines permissives comme la laminine par exemple. Celle-ci se lie avec des molécules appelées intégrines situées sur la membrane du cône de croissance favorisant la progression du cône de croissance dans la bonne direction. D’autres protéines, répulsives celles-là, se trouvent également sur le substrat pour aiguiller encore davantage l’élongation de l’axone en l’empêchant de prendre certaines directions. L’élongation des axones est ainsi soumise à une véritable signalisation routière le long « d’autoroutes moléculaires ».

    
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Des protéines qui guident le câblage cérébral

Voies nerveuses et « voies de financement » !


Un des grands défis pour les neurones de nos systèmes moteurs et sensoriels est de faire en sorte que des points adjacents dans la partie périphérique de ces systèmes soient représentés également par des points contigus dans les centres de traitement cérébraux. Comment les axones en croissance font-ils pour s’organiser avec une telle précision pour former des cartes topographiques aussi précises que l’homonculus moteur ou somatosensoriel, par exemple ?

Suite à des expériences sur les voies visuelles de la grenouille au début des années 1960, on a émis l’hypothèse d’une chimioaffinité entre des molécules sur le cône de croissance des différents axones et d’autres sur les cellules cibles où les ces axones doivent aboutir. Un peu comme si chaque axone en provenance de la périphérie recevait une étiquette chimique indiquant sa position et que des étiquettes complémentaires sur les cellules cibles leur permettaient de se situer selon cette même position.

Mais cette hypothèse d’une affinité de type «clé-serrure» où il y aurait autant de type de clés et de serrures différentes qu’il y a de positions à coder s’est cependant révélée contredite par les données expérimentales. En fait, d’autres expériences ont montré qu’il y a bien une correspondance entre des molécules du cône de croissance et d’autre de la structure cible, mais cette correspondance se fait plutôt grâce à un gradient de concentration qui n’utilise qu’un seul jeu de clés et de serrure.

LES MOLÉCULES QUI GUIDENT LE CÔNE DE CROISSANCE
LE CÔNE DE CROISSANCEFACTEURS DE CROISSANCE ET MORT NEURONALEFORMATION ET STABILISATION SÉLECTIVE DES SYNPASES

Les molécules de guidage du cône de croissance peuvent être diffusibles ou non diffusibles comme c'est le cas pour les molécules d’adhérence cellulaire (CAM).

 


Source:
Dr. Brian E. Staveley
Department of Biology
Memorial University of Newfoundland

La famille de molécules diffusibles chimioattractives la mieux caractérisée est celle des nétrines. Ces molécules sécrétés par des cellules cibles diffusent dans le milieu extracellulaire et influencent à distance le cône de croissance de certains neurones. Les nétrines ressemblent aux molécules d’adhérence cellulaire situées dans la matrice extracellulaire comme la laminine qui guident le cône de croissance par contact direct. Comme pour ces dernières, les nétrines influencent le cône de croissance en se fixant sur des récepteurs transmembranaires spécifiques qui vont assurer la transduction du signal.

Dans l’embryon, la sécrétion des nétrines se fait souvent près de la ligne médiane où les axones ont à choisir s’ils restent du même côté ou s’ils traversent cette ligne. On a bien décrit son rôle par exemple dans le développement du faisceau spinothalamique qui relie les informations thermiques et nociceptives de la périphérie jusqu’au thalamus. Les nétrines aident aussi des axones du système nerveux central à franchir la ligne médiane, comme ceux du corps calleux ou du chiasma optique par exemple.

Du côté de la chimiorépulsion, on retrouve la famille des sémaphorines, des molécules qui repoussent les cônes de croissance des axones. Ces molécules peuvent être soit fixées à la membrane cellulaire, soit sécrétées et diffusées dans le milieu environnant.

Les molécules de guidage de la croissance axonale ne sont pas attractives ou répulsives en soi. Elles acquièrent plutôt l’une des deux caractéristiques selon le type de récepteur exprimé sur un cône de croissance particulier. Car comme pour la transmission synaptique et de nombreux autres processus à l’origine de cascades de réactions biochimiques, c’est l’affinité électrochimique entre une molécule et son « récepteur » qui met en branle les mécanismes internes qui vont amener le cône de croissance à changer de direction.

Ainsi, la molécule de guidage bien connue nétrine-1 est attractive pour les interneurones de la commissure dorsale mais agit comme un facteur répulsif pour certaines classes de motoneurones. Un facteur de guidage donné peut donc être interprété de deux façons complètement différentes par le cône de croissance selon le type de récepteurs qu’exprime ce cône à sa surface.

Pour poursuivre avec notre exemple, attiré dans la région médiane de la partie ventrale de la moelle épinière par les nétrines, les cônes de croissances des interneurones se mettent alors à exprimer davantage le récepteur roundabout (ou robo) sensible à un facteur de répulsion appelé slit lui aussi sécrété dans la région médiane ventrale de la moelle. Par conséquent, les cônes de croissance se mettent alors à fuir cette région ce qui les amène à poursuivre de l’autre côté de la ligne médiane.

 
Section du tube neural avec un agrandissement de la région du plancher (l’ovale mauve représente la notochorde).

Dans cet exemple, les cellules de la ligne médiane de la moelle épinière qui sécrètent ces différentes molécules de guidage agissent comme des cibles intermédiaires qui dans un premier temps attirent l’axone en croissance, et dans un second temps le repousse vers sa cible définitive.


    
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Chercheur
Chercheur : RITA LEVI-MONTALCINI Chercheur : Rita Levi-Montalcini - Autobiography
Capsules originales
Outil: L'apoptoseL'apoptose

Le NGF est produit par les cellules cibles du système nerveux sympathique. Si on le neutralise avec l’injection d’anticorps spécifiques, les ganglions sympathiques dégénèrent complètement. Même chose si l’on interrompt le transport axoplasmique : les neurones meurent malgré la libération de NGF par le tissu cible.


Le NGF est une protéine qui contient 3 sous-unités, alpha, beta et gamma. La sous-unité gamma a des propriétés enzymatiques protéolytiques. La sous-unité alpha inhibe cette protéase. La sous-unité beta est responsable de l’activité biologique.

Cette protéine ressemble à d’autres protéines favorisant la croissance (comme l’insuline), ce qui suggère qu’elles proviennent de la même famille de molécule. Il existe de nombreux autres facteurs de croissance neuronale, les motoneurones n’étant par exemple pas sensibles au NGF.

FACTEURS DE CROISSANCE ET MORT NEURONALE
LE CÔNE DE CROISSANCELES MOLÉCULES QUI GUIDENT LE CÔNE DE CROISSANCEFORMATION ET STABILISATION SÉLECTIVE DES SYNPASES

Au cours d’une longue période qui commence avant la naissance et dure jusqu’à l’adolescence, on assiste à une réduction très importante du nombre de neurones et de synapses nouvellement élaborées. Cette mort neuronale découle d’une compétition pour des facteurs trophiques émis en quantité limitée par les cellules cibles.

Le premier de ces facteurs à avoir été mis en évidence au début des années 1950 (par la biologiste italienne Rita Levi-Montalcini, Prix Nobel avec Stanley Cohen en 1986) est un peptide connu sous le nom de facteur de croissance des nerfs (NGF pour Nerve Growth Factor, en anglais). Le NGF est reconnu par les axones sympathiques et transporté de façon rétrograde à l’intérieur de l’axone jusqu’au corps cellulaire où ses interactions moléculaires favorisent la survie du neurone.

En fait, le NGF et les autres neurotrophines procèdent plutôt en verrouillant un programme génétique d’autodestruction que possède chaque cellule. Cette destruction programmée du neurone a pour nom l’apoptose (voir capsule outil à gauche). Contrairement à la nécrose qui est un processus de mort accidentelle de la cellule et qui provoque de l’inflammation, l’apoptose est une déstructuration méthodique des composantes de la cellule qui se fait en douceur. Ce processus de mort cellulaire programmée permet une configuration optimale du câblage cérébral en sélectionnant les cellules dont les connexions s’avèrent les plus efficaces, en équilibrant la quantité de neurones pré et postsynaptiques ainsi qu’en éliminant les neurones malformés ou endommagés.

Les différentes neurotrophines n’agissent pas toutes sur les mêmes neurones. L’action du NGF permet par exemple la survie des neurones parasympathiques, celle du BDNF de neurones appartenant à des ganglions sensitifs, et celle de la NT-3 à la survie de ces deux populations. Cette sélectivité d’action des neurotrophines a son origine dans une famille de récepteurs appelés Trk, désignée ainsi parce que ces protéines ont été initialement identifiées comme des récepteurs capables d’activer l’enzyme tyrosine kinase.


Source : Dr. Paul Kelly

Dans la famille des récepteurs Trk aux neurotrophines, on retrouve le TrkA qui est principalement un récepteur du NGF, le TrkB qui est un récepteur du BDNF et le TrkC qui est un récepteur de la NT-3. Étant donné la grande ressemblance de structure entre les neurotrophines d’une part, et entre les récepteurs Trk d’autre part, il existe un certain degré d’activation croisée entre eux. Ainsi, dans certaines conditions, la NT-3 peut se lier au récepteur TrkB et l’activer.

 

    
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Lien : Synapse Formation is a Gradual ProcessLien : Synapse Formation Is Triggered By Muscle, Not NervesLien : Formation of the neuromuscular junctionLien : Différenciation Neuromusculaire
Lien : Synapse formation at embryonic Drosophila NMJsLien : INNATENESS, AUTONOMY, UNIVERSALITY?
Chercheur
Chercheur : Jean-Pierre Changeux: "Le récepteur de l'acétylcholine: des proteines allostériques à la conscience"Chercheur : Jean-Pierre Changeux (France)
Expérience
Expérience : Distinct roles of nerve and muscle in postsynaptic differentiation of the neuromuscular synapse.
Histoire
Histoire : The Evolution of Somatic Selectionism

Les effets nocifs de la télé sur les jeunes enfants

Notre cortex frontal se démarque même au niveau génétique

Deux perles de vulgarisation scientifique

La proposition d’une évolution épigénétique par sélection de synapses a donné lieu à de nombreux débats sur la possibilité qu’une sorte de « darwinisme neural » poursuive en quelque sorte l'évolution génétique des espèces biologiques, mais au niveau de l'individu et, par conséquent, à celui du groupe social.

Certains, comme le biologiste Richard Dawkins, ont par exemple donné le nom de « mèmes » à ces états cognitifs sélectionnés et transmissibles d’un individu à l’autre, une forme de vie à part entière dont le substrat serait les cerveaux humains.

Outil : Le darwinisme neuronal

Au cours du développement, bien avant que les facteurs de croissance neuronaux soient sécrétés, un grand nombre d'inductions moléculaires surviennent. C’est le cas lorsqu’un un groupe de cellules influence le développement d'un autre groupe cellulaire en sécrétant des substances dites morphogènes. La formation de la plaque neurale à partir de l’ectoderme est par exemple induite par des cellules du mésoderme.

Ces facteurs inducteurs, qui possèdent pour la plupart des similitudes avec les facteurs de croissance, agissent en stimulant des récepteurs de la membrane cellulaire, ce qui influence l’activité de certains gènes impliqués dans la différenciation cellulaire.

Différentes substances inductrices peuvent être sécrétées successivement pour induire différentes étapes de la différenciation. Ou encore, une même molécule inductrice peut être diffusée dans le milieu et créer un gradient de concentration, à la manière des facteurs de guidage chimiotrophiques. L’exposition à différentes concentrations d’une même substance peut aussi déboucher sur des différenciations cellulaires distinctes.

Outil : Les gènes homéotiques



FORMATION ET STABILISATION SÉLECTIVE DES SYNPASES
LE CÔNE DE CROISSANCELES MOLÉCULES QUI GUIDENT LE CÔNE DE CROISSANCEFACTEURS DE CROISSANCE ET MORT NEURONALE

Quand le cône de croissance d’un axone entre en contact avec sa cible, il s’aplatit et forme une synapse avec elle. C’est à la jonction neuromusculaire que le mécanisme de formation des synapses est le plus connu.

On sait par exemple que des protéines sécrétées par le cône de croissance lui-même contribuent à mettre en place les récepteurs sur la membrane post-synaptique du muscle à l’endroit précis où le cône de croissance vient en contact avec lui. L’une de ces protéines est l’agrine qui se fixe sur un récepteur particulier appelé MuSK (pour « Muscle-specific kinase », en anglais) qui se retrouve un peu partout sur la membrane cellulaire du muscle.

Les récepteurs MuSK sur lesquels se fixe l’agrine vont rendre active une protéine intracellulaire dénommée rapsyne qui elle va conduire à l’agrégation des récepteurs nicotiniques cholinergiques sur la membrane musculaire exactement sous le cône de croissance. Des travaux plus récents montrent cependant que le muscle n’aurait pas besoin du cône de croissance pour commencer lui-même le travail d’agrégation des récepteurs, contribuant ainsi à déterminer l’emplacement des plaques motrices.

Parallèlement, des facteurs sécrétés par la cellule cible, dans ce cas-ci le muscle, vont stimuler l’entrée de calcium dans le cône de croissance. Celui-ci aura plusieurs effets sur la terminaison présynaptique, dont celui de modifier le cytosquelette pour donner sa forme aplatie au bouton présynaptique. L’entrée de calcium va également favoriser la libération de neurotransmetteurs. Cette transmission synaptique rudimentaire va donner lieu, quelques semaines plus tard, à une synapse capable de transmettre l’activité nerveuse.

Sur les muscles striés des vertébrés, les récepteurs cholinergiques sont confinés dans la région de la plaque motrice. La densité des récepteurs atteint à la plaque motrice 20 000 récepteurs par micromètre carré alors qu’ailleurs sur la fibre musculaire elle est d’à peine 50. Or si l’on coupe le nerf moteur et qu’on le laisse dégénérer, la distribution des récepteurs devient plus dense un peu partout sur la fibre, sans toutefois atteindre la densité initiale sous la plaque motrice. D’autre part, si le muscle est innervé à nouveau, les récepteurs apparus hors de la plaque motrice disparaissent. Seuls persistent ceux au niveau de la plaque motrice.

Des expériences montrent également qu’en bloquant les récepteurs de l’acétylcholine de la jonction neuromusculaire avec un antagoniste comme le curare, l’innervation polyneuronale persiste. De même, si l’émission de potentiels d’action des motoneurones est bloquée avec un bloqueur de canaux sodiques comme la tétrodotoxine, la réduction de l’innervation n’a pas lieu.

Ces expériences montrent bien que le processus par lequel différentes fibres nerveuses rivalisent entre elles pour s’approprier une cellule cible particulière est régulé par l’activité électrique des partenaires pré- et post-synaptiques.

Les stades subséquents du développement de la synapse dépendront justement de l’activité nerveuse. Celle-ci va influencer de façon significative les interactions compétitives entre neurones, interactions qui ne se feraient pas dans le sens d’un rejet actif de la terminaison nerveuse perdante par la gagnante. Au contraire, on assisterait plutôt à une perte progressive des structures post-synaptiques spécialisées associées à certaines terminaisons nerveuses, perte qui diminuerait l’activité électrique entre cette terminaison et le muscle, favorisant d’autant plus la perte de récepteurs synaptiques. Ce processus ferait se rétracter et s’atrophier naturellement les terminaison nerveuses ainsi désavantagées.

Parallèlement à l’ajustement de la taille des populations de neurones pré- et postsynaptiques, la réorganisation synaptique représente donc l’étape finale de la mise en place des circuits cérébraux. Et contrairement aux étapes précédentes l’activité neuronale et la transmission synaptique jouent donc un rôle primordial dans cette sculpture fine des réseaux neuronaux.

Le fait que des mécanismes de compétition et d’élimination de synapses surviennent au cours du développement était connu depuis plusieurs décennies mais l’idée que cette élimination pouvait avoir lieu de manière épigenétique, sous le contrôle de l'activité du réseau et sur le mode " darwinien " a été d’abord articulée par Jean-Pierre Changeux et son équipe en 1972.

Les travaux pionniers de Changeux et Danchin ont révélé qu’au début du développement, les fibres musculaires sont innervées par plusieurs axones mais ne conservent cependant à l’état adulte que l’axone d’un seul motoneurone. C’est aussi le cas des cellules de Pukinje du cervelet qui ne le sont que par une seule fibre grimpante ou encore des neurones du cortex visuel qui reçoivent d’abord une innervation binoculaire qui sera par la suite réduite en une ségrégation des afférences.



Les mammifères ont deux types de fibres musculaires qui peuvent être identifiées par leur couleur et leur vitesse de contraction : celles à contraction rapide sont pâles et celle à contraction lente sont foncées. Les premières sont impliquées dans des contractions phasiques alors que les autres le sont davantage dans les ajustements posturaux.

On a aussi découvert que les motoneurones qui innervent les muscles rapides conduisent l’influx nerveux très rapidement et peuvent émettre des potentiels d’action à des fréquences élevées de 30 à 60 influx par seconde. À l’opposé, les motoneurones innervant les muscles à contraction lente conduisent l’influx plus lentement et ne peuvent générer que de 10 à 20 potentiels d’action par seconde. Il y a donc une correspondance claire entre un type de motoneurone et un type de fibre musculaire.

Or on sait que les chatons nouveau-nés n’ont par exemple que des fibres musculaires à contraction lente et que celles-ci vont se différencier en fibres lentes et rapides durant ses premières semaines de vie. On peut alors se demander si ce sont les fibres musculaires qui vont induire le bon type de motoneurone correspondant ou bien si ce sont plutôt les neurones qui, en innervant les fibres musculaires, vont leur transmettre en quelque sorte leur spécificité.

Des expériences où l’on inversait chirurgicalement des motoneurones rapides sur des fibres lentes et vice-versa ont permis de montrer que c’était cette dernière hypothèse qui était la bonne: c’est le système nerveux qui contrôle la rapidité de contraction de la fibre musculaire qu’il va innerver. Cela implique donc que les motoneurones sont capables d’influencer l’expression des gènes de la fibre musculaire puisque la vitesse de contraction d’une fibre musculaire dépend de versions différentes des chaînes légères des fibres de myosine. Ce phénomène remarquable pourrait s’établir en partie à cause du pattern d’activité différent des deux types de motoneurone qui aurait un effet de différenciation distinct sur les fibres musculaires.

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