La toxicité potentielle des substances
psychoactives, comme celle de tout médicament, est liée à
la quantité consommée. Elle varie bien sûr d’une drogue
à l’autre, mais en règle générale : plus on
consomme un produit à de fortes doses, plus ce produit aura des effets
toxiques sur notre organisme.
On estime actuellement que 1,5 million de Canadiens
fument la marijuana de manière occasionnelle pour leur plaisir. Cet usage
récréatif n’entraîne pas d’escalade dans la grande
majorité des cas.
LA CONSOMMATION DE DROGUES
Nous avons dans le cerveau
des circuits qui renforcent les comportements utiles à notre survie en
nous procurant du plaisir. Le cerveau favorise donc naturellement les conduites
qui nous amènent à rechercher l’euphorie. Or la prise de substances
psychoactives est un
moyen direct d’y parvenir.
Les risques associés à
la consommation d’une drogue varient bien sûr avec la nature de la
drogue, la vulnérabilité du consommateur, la quantité consommée,
etc. Mais les drogues affectent surtout le cerveau selon qu’elles sont
prises durant une courte ou une longue période. On distingue trois types
de consommation : l’usage récréatif, l’abus et la dépendance
(cliquez sur chacun des feux de circulation).
La
vulnérabilité aux dépendances ne se limite pas seulement
aux substances psychoactives mais s’applique aussi aux comportements compulsifs
comme la pratique pathologique du jeu, la boulimie, etc. qui peuvent eux aussi
déboucher sur un besoin irrépressible de réitérer
en permanence le comportement de consommation.
La nicotine
contenue dans le tabac est un très bon exemple d'une substance
provoquant une dépendance physique. Selon les sondages, environ la moitié
des fumeurs voudraient arrêter de fumer. Le quart s'y essaie vraiment chaque
année. A l'arrivée, un sur deux (c'est-à-dire seulement 12
% des fumeurs) y parviennent. Autrement dit pas grand monde, ce qui prouve bien
que ce n'est pas seulement une question de volonté. Car s'il est vrai que
la nicotine de la cigarette peut faciliter la concentration, agir comme tranquillisant
ou réguler l'appétit en se fixant un peu partout dans le cerveau,
elle se fixe aussi dans les circuits de la récompense du système
limbique et crée une dépendance.
Nervosité et irritabilité sont deux sensations
ressenties couramment lorsque le cerveau du fumeur ne reçoit
plus sa dose de nicotine. Pendant plus de trente ans, les
industriels du tabac ont farouchement nié la dépendance
lié à leur produit. Encore aujourd'hui, ils
utilisent mille ruses pour entraîner les plus jeunes
dans le cercle infernal de la dépendance. C'est entre
8 et 10 ans qu'il faut alerter les enfants sur les risques
du tabac. A 12 ans, il est déjà souvent trop
tard.
Les fameux programmes de méthadone pour
les héroïnomanes leur permettent d'atténuer les souffrances
du sevrage à l'héroïne, l'un des plus pénible. La méthadone
est une molécule qui ressemble à l'héroïne
et qui se fixe sur les mêmes récepteurs. Mais elle ne provoque pas
le pic d'euphorie que produit l'héroïne. De même, les perturbations
physiques associées à son sevrage sont moins violentes que celle
de l'héroïne. C'est pour cette raison que les héroïnomanes
préfèrent le sevrage à la méthadone.
Deux mécanismes de défense psychologique
se retrouvent souvent chez les gens dépendants, soit le déni et
la rationalisation.
LA DÉPENDANCE
Les changements comportementaux
qui accompagnent la consommation compulsive d’une drogue peuvent être
mieux compris si l’on distingue la dépendance physique de la dépendance
psychologique.
La dépendance
physique est une réaction physiologique de l'organisme à
l'absence du produit. C’est un état de manque qui s’accompagne
de symptômes physiques incommodants appelés le sevrage
(voir encadré).
La dépendance physique survient lors de
la privation de plusieurs drogues tels que les opiacés
(dérivés de l'opium), le tabac,
l'alcool
et certains médicaments
psychoactifs. Celle-ci engendre des malaises physiques qui varient selon le
produit : douleurs avec les opiacés, tremblements majeurs avec l'alcool,
convulsions avec les barbituriques et les benzodiazépines.
En fait, la plupart des symptômes de sevrage sont les opposés
de ceux observés en cas d'intoxication avec la même substance. Ceci
s’explique par les voies compensatoires développées par le
cerveau et qui se révèlent soudainement en trop. Ces symptômes
peuvent aussi être accompagnés de troubles du comportement (anxiété,
angoisse, irascibilité, agitation...).
Il peut être
très dangereux, voire mortel, d'arrêter brusquement la consommation
de certains psychotropes consommés régulièrement . Ainsi,
le sevrage d'anxiolytiques ou de somnifères doit se faire sous la supervision
d'une personne qualifiée.
La
dépendance psychologique peut durer beaucoup plus longtemps
que la dépendance physique, des années, voire toute la vie. Elle
repose davantage sur les caractéristiques de l'individu (habitudes, états
affectifs, styles de vie) que sur la substance elle-même. C'est le souvenir
du plaisir associé à l'objet de notre dépendance auquel la
personne repense souvent avec nostalgie.
Parfois aussi, la réapparition
d'un mal-être que la consommation visait à supprimer pousse la personne
à rechuter. Elle peut aussi demeurer dépendante par crainte du douloureux
sevrage qu'il l'attend si elle cesse la consommation.
La dépendance
psychologique est souvent définie par le mot anglais " craving
" qui traduit bien l'envie extrême de consommer et de ressentir les
effets du produit. Le craving s’apparente aux sensation physiologique de
faim et de soif.
L’apprentissage conditionné
s’effectuant inconsciemment lors de la prise d’une drogue est aussi
un facteur psychologique favorisant la dépendance. Des stimuli endogènes
et environnementaux s’associent à la substance convoitée et
acquièrent ainsi le pouvoir d’activer seuls le craving. Chez un toxicomane,
l’environnement qui entoure les injections revêt donc une extrême
importance.
Des rechutes peuvent alors être provoquées
par la seule mise en contact de cet environnement associé à la drogue
(seringues, lieux de consommation…), mais aussi par la consommation d’une
petite quantité de drogue, le stress, ou même des émotions
subjectives associées jadis à la prise de drogue.
Un bon
exemple de substances qui n'entraînent aucun manque physique, mais provoque
cependant une dépendance psychique très intense, est la cocaïne
ainsi que les amphétamines.
Les études neurobiochimiques ont fait du circuit
de la récompense un substratum important de la dépendance psychologique.
Ceci dit, plusieurs
théories explicatives sont encore débattues en ce qui concerne
les mécanismes de la dépendance.
Réussir le sevrage d’une personne
dépendante n’est pas chose banale. En effet, on sait que la consommation
répétée d’une drogue court-circuite
la neurotransmission normale du circuit de la récompense. Le
cerveau d’une personne dépendante s’adapte donc à cet
apport extérieur régulier de substance psychoactive en modifiant
la production de certains de ses neurotransmetteurs. Le syndrome du sevrage survient
lorsque cesse soudainement cet apport extérieur. L'organisme, qui a désactivé
certaines de ses voies métaboliques, va alors prendre un certain temps
avant de rétablir l’équilibre de ses neurotransmetteurs.
Deux solution s’offrent alors pour faire disparaître la douleur
associée au sevrage : reprendre de la drogue et laisser la dépendance
s’installer encore davantage ; ou laisser le temps à l’organisme
(de quelques jours à quelques semaines) pour rétablir l'équilibre
de ses neurotransmetteurs cérébraux et avoir ainsi des chances de
sortir du cercle vicieux des dépendances.
Pour retrouver le vertige et la sensation d'euphorie
initiale, la personne dépendante est souvent obligée d'augmenter
la dose. En d'autres termes, il lui en faut toujours plus pour avoir le même
effet. C'est le phénomène bien connu de la tolérance
(ou de l'accoutumance).
La tolérance se traduit par une adaptation
au niveau des neurones. Ceux-ci vont, par exemple, modifier le nombre ou la sensibilité
de leurs récepteurs pour s'adapter à l'apport supplémentaire
de substance. Pour éprouver une sensation de plaisir, la personne dépendante
doit donc s'élever au-dessus de ce nouveau seuil. Pour elle, cela signifie
augmenter encore un peu plus la dose... La tolérance peut aussi être
induite ailleurs dans l’organisme. Par exemple, plus nous buvons, plus notre
foie active des enzymes destinées à transformer l'alcool en substances
moins nocives. D'où l'apparition d'une tolérance qui obligent les
alcooliques à ingurgiter des quantités d'alcool considérables
pour s'enivrer un peu.
Bien que considérée comme une des
caractéristiques de la toxicomanie, la tolérance n'est ni nécessaire,
ni suffisante au déclenchement de la dépendance. Il existe d'ailleurs
des substances non psychoactives qui induisent une tolérance, comme certains
médicaments contre l'hyper-tension; réciproquement, on n'observe
pas d'effets de tolérance pour certaines drogues comme les amphétamines
par exemple.