Un bébé singe élevé
en captivité n'a pas peur des serpents. Mais s'il voit un film montrant
un singe apeuré devant un serpent, celui-ci devient immédiatement
pour lui un objet de terreur. Cette peur ne semble donc pas innée au sens
stricte mais
bien apprise, mais très rapidement. D'ailleurs, cet apprentissage rapide
ne se produit pas avec d'autres objets, des fleurs par exemple, ce qui montre
qu'il y a tout de même quelque chose d'inné dans le processus.
Parmi les objets pour lesquels nous sommes prédisposés à
avoir peur (et qui sont souvent à l'origine de phobies), on retrouve, outre
les serpents, les araignées, les oiseaux de proie, les chiens, les reptiles
et les hauteurs. Nos racines évolutives nous sont cependant de peu d'utilité
devant les choses qui représentent de nos jours un danger réel pour
nous comme les armes à feu ou les automobiles…
Les études
démontrant que les singes sont prédisposés à avoir
peur des serpents vont aussi en ce sens. Elles confirment que le mécanisme
à l’origine des phobies est très ancien et qu'il s’est
mis en place avant même l’hominisation.
LES PHOBIES
Qu’il s’agisse
de phobies liées à un objet
spécifique ou à une
situation, leur origine semble résulter d’une combinaison de
facteurs biologiques et de certains événements marquants de la vie
de l’individu.
Certains psychologues qui s’inscrivent dans
la tradition freudienne pensent que des conflits psychologiques inconscients pourraient
dans certains cas être à l’origine de phobies.
Pour
les tenants des théories de l’apprentissage, la peur extrême
associée à une phobie est simplement apprise, soit de manière
directe (être mordu par un serpent, par exemple), soit de manière
indirecte en observant les réactions de douleur ou de peur d’un autre
individu (voir encadré). Souvent la phobie pourrait aussi naître
d’une peur conditionnée, c’est-à-dire de l’association
entre un stimulus menaçant et la présence d’un objet neutre
qui acquiert ainsi progressivement une connotation dangereuse.
Ainsi,
dès les années 1920, on a pu montrer qu’on pouvait conditionner
un enfant à avoir peur d’un inoffensif rat de laboratoire simplement
en lui faisant entendre un son déplaisant à chaque fois que le rat
était près de lui. Ce phénomène expliquerait entre
autre le caractère irrationnel d’une phobie puisqu’une personne
pourrait difficilement se souvenir de l’événement fondateur
d’une peur conditionnée qui s’établit souvent à
notre insu.
Chez certaines personnes
toutefois, la phobie peut s’installer suite à un événement
traumatisant identifiable. Des phobies peuvent par exemple s’installer après
une attaque de panique dans un espace clos comme un ascenseur en panne, ce qui
amènera par la suite une peur de tout espace exigu (claustrophobie).
D’autres phobies
sont fréquentes dans certaines familles, ce qui appuie la possibilité
d'un facteur génétique impliqué. Mais la question de savoir
si cette fréquence plus élevée est due à l’hérédité
ou plutôt au fait d’avoir grandi avec d’autres personnes anxieuses
demeure toujours ouverte. Des études ont par exemple révélé
qu’en général, les personnes ayant une phobie
sociale ou une agoraphobie ont vécu un éclatement familial,
ont éprouvé la timidité, n’ont eu que peu de relations
amoureuses et n’ont pas été encouragés par leurs parents
à développer leurs relations sociales.
Les idées
sur l’origine des phobies tournent aussi autour de la notion de prédisposition
biologique pour expliquer la grande sensibilité à certains
stimuli particuliers (serpent, araignée, noirceur, etc) et leur présence
universelle à travers toutes les cultures.
Les
phobies impliquent en effet très souvent des classes d’objets ou
de situations qui semblent avoir eu une signification particulièrement
importante durant l’évolution. En effet, dans un
environnement stable comme celui de nos ancêtres, les dangers qui menacent
une espèce changent très lentement. Par conséquent, avoir
un mécanisme qui permet d’apprendre rapidement à reconnaître
les dangers peut être très avantageux.
La
peur phobique des fils électriques, pourtant très fréquents
et dangereux dans nos sociétés modernes, est cependant très
rare alors que la phobie de nombreux insectes, pourtant inoffensifs mais qui en
rappellent d’autres potentiellement très dangereux, est commune.
LES TROUBLES PANIQUES
La plupart d'entre nous
ont expérimenté au moins une fois dans leur vie une crise de panique
provoquée par des événements particuliers. Dans le cas d’une
personne qui souffre de troubles paniques cependant, les crises surviennent soudainement
et sans menace extérieure apparente.
Ces crises atteignent leur
paroxysme rapidement, habituellement en moins de 10 minutes. Malgré leur
brièveté, elles sont souvent décrites comme une expérience
terrifiante et laissent la personne vidée d’émotion et anxieuse
à propos de sa santé. Pour elle, la peur d’avoir une nouvelle
crise devient une préoccupation angoissante. De sorte que la personne apprend
rapidement à éviter la situation qui semblait avoir déclenché
l'épisode.
Certaines personnes modifient considérablement
leur comportement ce qui soulage un peu leur angoisse par rapport aux crises.
Mais certaines de leurs décisions sont si radicales qu’elles peuvent
engendrer des problèmes encore plus graves.
Le
trouble panique avec agoraphobie est de ceux-là. Contrairement
à ce que ses racines étymologiques laissent entendre cependant,
l’agoraphobie n’est pas seulement la peur des espaces ouverts mais
de toute situation pouvant provoquer de l’anxiété. Une
anxiété bien souvent liée à la peur de perdre le contrôle
en des lieux où cela pourrait devenir embarrassant. Ces lieux peuvent d’ailleurs
inclure autant des espaces ouverts (comme des places publiques ou des foules)
que fermés (supermarchés, autobus, avions).
En
fait, il s’agit souvent d’endroits où l’individu a déjà
vécu une crise de panique. Les circonstances entourant l’origine
de la crise semblent se dissiper au profit d’une association durable avec
tout type d’environnement semblable à celui où elle a eu lieu.
Un type d’environnement désormais générateur d’anxiété
et possiblement d’autres crises de panique, ce qui peut mettre en place
une boucle de rétroaction positive où l’on assiste à
une augmentation des crises et des situations anxiogènes.
Environ deux fois plus de femmes
que d’hommes souffrent de troubles paniques qui ne connaissent d’autre
part aucune frontière géographique, ethnique ou de statut social.
Si l’on estime qu’un tiers de la population générale
aura une crise de panique chaque année, le trouble panique, lui, est beaucoup
plus rare : il touche moins de 1 % de la population.
La plupart des
attaques de panique ne durent que quelques minutes, certaines atteignant parfois
la dizaine de minutes. Elles se manifestent pour la première fois à
tout âge, mais le plus souvent, au début de l'âge adulte. Des
études ont montré qu’elles pouvaient aussi être plus
fréquentes dans certaines familles, ce qui laisse entrevoir la possibilité
d’une composante génétique.
En outre, d’autres
études ont démontré que des événements stressants
ou leur anticipation, l’anxiété durant l’enfance, des
parents surprotecteurs et l’abus de substances sont des antécédents
communs chez les personnes atteintes d’un trouble panique.
La gravité du trauma (les
blessures physiques pendant une agression, par exemple) jouerait peut-être
un rôle moins important dans la prédiction de la gravité de
l’ESPT que la réaction émotionnelle initiale du survivant.
Certaines personnes, en particulier celles qui ont déjà
souffert de dépression, d’anxiété ou d’autres
traumas, ou encore qui sont prédisposées à la colère
ou dont le style d’adaptation au stress suppose de ne pas parler ou penser
à l’événement, seraient plus vulnérables.
ÉTAT DE STRESS POST-TRAUMATIQUE (EPST)
L’état
de stress post-traumatique, ou ESPT, implique une anxiété sévère
issue de stimuli qui se sont déroulés durant un événement
traumatisant. Il est fréquent chez les vétérans de guerre,
mais on a découvert les
mêmes symptômes chez les victimes d’abus sexuel, de traumatismes
physiques, d’un accident de la route ou de travail, d’une maladie
constituant un danger de mort comme le cancer, ou encore de l’exposition
répétée aux traumas d’autres personnes (les infirmières
des salles d’urgence et les ambulanciers, par exemple). Certains psychiatres
parlent également d'ESPT pour des personnes particulièrement troublées
par la mort d'un ami ou d'un parent proche.
À l’instar des
phobies, plusieurs pensent que l’ESPT
est une forme particulière de peur conditionnée. À la différence
qu’ici, c’est le stimulus inconditionnel qui est déterminant,
atteignant le stade du stimulus traumatisant, c’est-à-dire d’une
expérience qui s’écarte de manière significative des
événements de la vie ordinaire.
Plusieurs chercheurs sont d’avis
que l’ESPT est le résultat de mécanismes d'adaptation de l'organisme.
Par exemple, les
symptômes d'hypervigilance se produisent comme s'il fallait rester en
alerte pour s'assurer de faire ce qu'il faut pour se mettre hors de danger. L'émoussement
des émotions, pour sa part, pourrait être une forme de protection
face à trop de stress à gérer. Le problème avec l’ESPT,
c’est qu’il maintient ces mécanismes d’alerte chez l’individu
alors qu'ils ne sont plus nécessaires, perturbant ainsi son
comportement.
Un tel état de stress aigu s'installe rapidement
après un traumatisme et dure moins d'un mois. On ne diagnostiquera un ESPT
que si ces perturbations persistent plus d’un mois et provoquent une profonde
détresse chez l’individu.
Plusieurs autres troubles psychologiques
peuvent cohabiter avec l’ESPT. Parce qu’elles revivent sans cesse
l'événement traumatisant, les personnes qui en sont atteintes souffrent
souvent de dépression. Des attaques de panique peuvent aussi être
déclenchées par des personnes, des endroits ou des conversations
rappelant l'événement traumatisant.
Enfin, bon nombre
de personnes atteintes d'un ESPT cherchent dans les drogues une façon de
composer avec les souvenirs pénibles rattachés à leur traumatisme.
Mais à long terme, ces substances vont plutôt accentuer les symptômes
d'anxiété et de dépression.
Sans comprendre le lien entre le
stress et le TOC, on observe tout de même qu’entre 50 à 70
% de personnes atteintes du TOC développent les symptômes du trouble
après un événement stressant de leur vie, comme le décès
d'un membre de la famille ou la perte d'un emploi.
TROUBLE OBSESSIONNEL-COMPULSIF (TOC)
Le trouble obsessionnel-compulsif
implique des pensées et/ou des comportements envahissants, persistants
et répétitifs qui sont exécutés de façon très
précise en vue de neutraliser l’anxiété. Ces comportements
constituent toutefois des réponses excessives à la situation qu’ils
sont supposés neutraliser, ce qui peut les rendre très handicapants.
Les
causes exactes du trouble obsessionnel-compulsif ne sont pas encore bien connues.
Les premières hypothèses selon lesquelles une éducation très
stricte, une privation émotionnelle ou une importance excessive accordée
à la propreté contribueraient au développement de la maladie
se sont avérées nettement insuffisantes. En d’autres mots,
on peut souffrir du TOC sans que nos parents aient été des monstres…
Comme dans beaucoup d'autres troubles anxieux,
certains gènes pourraient être impliqués. Ainsi, le TOC qui
se déclare durant l’enfance a tendance à être héréditaire.
Lorsqu’un parent souffre de TOC, il y a une augmentation, bien que légère,
des probabilités que l’enfant en souffre aussi. Et si c’est
le cas, on observe que c’est la nature générale du TOC qui
semble se transmettre et non ses symptômes spécifiques (la mère
peut avoir des compulsions de lavage alors que son enfant aura plutôt des
rituels de vérification, par exemple).
Des recherches plus récentes
semblent aussi pointer vers des affections streptococciques chez les jeunes enfants
qui pourrait endommager la partie du cerveau responsable du comportement répétitif
et favoriser l’avènement du TOC. D’autres recherches préliminaires
ont identifié moins de matière blanche dans le cerveau des personnes
souffrant du TOC.
Les études d’imagerie cérébrale
ont aussi montré des patterns d’activité qui diffèrent
chez les personnes atteintes du TOC comparé à des sujets normaux.
Il semblerait y avoir par exemple un problème de communication entre le
cortex frontal et les structures plus profondes des noyaux gris centraux. Des
études de PET scan ont d’ailleurs montré une normalisation
de l’activité cérébrale dans ces régions après
des
traitements qui ont produit des améliorations notables de l’état
du patient.
Les comportements répétitifs
du TOC se développent petit à petit, sournoisement, et deviennent
de plus en plus difficiles à maîtriser. Il n’est pas rare de
voir des gens qui en souffrent se laver les mains jusqu'à 100 fois par
jour, se doucher deux ou trois fois par jour. D’autres vont par exemple
passer énormément de temps à faire le ménage selon
des critères particuliers, alignant les boîtes de conserve dans l'ordre
alphabétique et pliant les vêtements d'une certaine façon.
D’autres encore vont se rendre au travail en suivant toujours le même
chemin, traversant la rue exactement au même endroit tous les jours.
Ceux qui ont des obsessions pour les nombres ne sont pas en reste : ils se
peignent en donnant le même nombre de coups de peigne chaque fois, attendent
que le téléphone sonne exactement le même nombre de fois avant
de répondre ou touchent une table un certain nombre de fois lorsqu'ils
passent à côté.
On diagnostiquera donc un TOC lorsque
ces comportements entraînent un malaise important chez la personne et interfèrent
avec ses occupations courantes parce qu’elle leur consacre trop de temps
(on parle de plus d’une heure de rituels par jour).
TROUBLE DE L'ANXIÉTÉ GÉNÉRALISÉE
(TAG)
L’anxiété
se distingue généralement de la peur par l’absence de
stimulus extérieur qui provoque la réaction. La vue d’un serpent
provoque la peur, mais le souvenir d’en avoir rencontré un à
un endroit où l’on repasse provoque de l’anxiété.
En nous tenant éloigné de danger potentiels, les deux ont eu une
valeur adaptative importante, ce qui fait que nous
en avons hérité de nos ancêtres. Mais quand l’anxiété
devient récurrente et persistante au point d’interférer avec
nos activités normales, on commence alors à parler de trouble de
l'anxiété généralisée.
Il
y a probablement plusieurs causes qui amènent ce dérèglement.
Comme on le retrouve davantage dans certaines familles que d’autres, il
semble y avoir des facteurs génétiques d’impliqués.
Cette prédisposition biologique au trouble de l'anxiété généralisée
pourrait alors s’actualiser à la suite d'événements
extérieurs qui surviennent dans la vie de la personne.
Dans d’autres
cas, il peut s’agir également de souvenirs traumatisants ou de conflits
internes non résolus. Pour plusieurs, leur anxiété généralisée
remonte d’ailleurs très tôt durant l’enfance.
La majorité des personnes ayant un trouble de l'anxiété généralisée,
vivent aussi la
dépression et/ou les attaques de paniques.
Ces troubles mentaux seraient, semble-t-il, tous influencés par certains
neurotransmetteurs, tels que la
sérotonine. Le GABA
et la noradrénaline seraient aussi impliqués dans les troubles anxieux.