|

La
pauvreté impose un «fardeau cognitif» au cerveau
De tous les neurotransmetteurs
et hormones qui auraient un rôle à jouer dans
la dépression, la
sérotonine et les hormones
de l’axe hypothalamo-hypophysio-surrénalien
sont sans doutes les plus impliquées. Ils partageraient
d’ailleurs des voies physiologiques communes qui les
garderaient en constante interaction. L’acceptation
plus récente que l’hippocampe,
une structure du système limbique, fait partie intégrante
de l’axe du stress a permis d’avoir une meilleure
vue d’ensemble du phénomène complexe
de la dépression.
Il devient ainsi de plus en plus évident que l’hyperactivité
de l’axe du stress n’est pas qu’un effet
secondaire de la dépression. L’axe du stress et le
système sérotoninergique interagissent
d’ailleurs de plusieurs façons, ce qui n’est
sans doute pas étranger au fait que le
taux de glucocorticoïdes circulant
dans l’organisme affecte grandement notre humeur, en
partie à cause de ses effets sur l’hippocampe.
Longtemps associé qu’au traitement cognitif de
l’information, et en particulier de la mémoire, l’hippocampe est
depuis plus récemment reconnu comme faisant partie intégrante
des circuits contrôlant nos humeurs et nos émotions.
Le fait que les patients en dépression ont souvent une
variété de déficits mnésiques pointe
aussi dans la direction d’une implication de l’hippocampe
dans la dépression. |
Les crises d’épilepsie
ayant leur foyer dans le lobe temporal amènent une
perte neuronale massive dans l’hippocampe et dans les
structures avoisinantes. Or, la dépression est la
complication psychiatrique la plus commune chez les patients
atteints d’épilepsie, et les patients qui ont
leur foyer épileptique dans le lobe temporal sont
davantage victimes de dépression que ceux atteints
d’autres formes d’épilepsie. Ces observations
vont donc tout à fait dans le sens d’un lien
entre la dépression et des dommages
à l’hippocampe. |
|
|
LES RÉGIONS CÉRÉBRALES
QUI SE TAISENT OU S'EMBALLENT DURANT LA DÉPRESSION |
|
Bien que la dépression amène une
diminution globale de l’activité cérébrale,
il y a certaines régions qui sont particulièrement
touchées par cette baisse d’activité.
Ainsi, des études d’imagerie cérébrale avec PET scan
ont mis en évidence une activité
anormalement basse dans le cortex préfrontal,
et plus précisément dans ses parties latérales,
orbitofrontales et ventromédianes.
La sévérité de la dépression
est d’ailleurs souvent reliée au degré de
la baisse d’activité du cortex préfrontal.
Celui-ci est
non seulement reconnu pour participer à nos réponses
émotionnelles, mais aussi pour avoir de nombreuses connexions
avec d’autres régions du cerveau responsables du
contrôle de la
dopamine, de la noradrénaline et de la sérotonine,
trois neurotransmetteurs importants pour la régulation
de l’humeur. Plus spécifiquement, il semble que
le cortex préfrontal latéral
nous aide à choisir un comportement
en nous permettant d’évaluer mentalement différentes
alternatives ; que le cortex orbitofrontal
nous permet de réprimer certaines émotions ou
gratifications immédiates en vue d’obtenir un avantage
encore plus grand à long terme ; et que le cortex
ventromédian est un des lieux où les
émotions et le sens des choses seraient expérimentés. |
|

1) cortex orbitofrontal
2) cortex préfrontal latéral
3) cortex ventromédian
4) système limbique |
Les deux moitiés du cortex préfrontal
semblent aussi avoir des fonctions spécialisées, le
cortex préfrontal gauche étant impliqué dans
l’établissement de sentiments positifs, et le droit
dans celui de sentiment négatifs.
Chez les gens en dépression, c’est justement le cortex
préfrontal gauche qui montre le plus de signe de faiblesse.
En d’autres termes, il devient très difficile pour
une personne en dépression de se donner des objectifs en
vue d’atteindre une récompense et de croire qu’on
peut y parvenir.
Le cortex préfrontal gauche pourrait aussi chez la personne
normale contribuer à inhiber les émotions négatives
générées par des structures limbiques comme
les amygdales qui montrent une activité anormalement élevée
chez les patients en dépression. Une activité qui
diminue d’ailleurs chez les personnes qui répondent
positivement à un traitement aux antidépresseurs.
Et lorsque cette hyperactivité de l’amygdale demeure
élevée malgré les traitements, elle est alors
associée à des fortes possibilités de rechute
dans la dépression.
Il est aussi intéressant de noter qu’à un cortex
préfrontal gauche fonctionnant à pleine capacité
correspond généralement des taux de glucocorticoïdes
sanguin très bas. Ce qui en fait un corollaire logique, considérant
les
effets néfastes des taux élevés de glucocorticoïdes
sur l’humeur…
Les études d’imagerie cérébrale ont aussi
démontré que les patients atteints de dépressions
sévères montrent une diminution du volume de leur
deux hippocampes.
Cette atrophie pourrait être due à une
perte neuronale induite également par l’effet toxique
des hauts taux de glucocorticoïdes associés aux épisodes
récurrents de dépression.
Il semblerait même que le degré d’atrophie de
l’hippocampe soit proportionnel à la somme des durées
des épisodes de dépression, et que les dépressions
qui sont traitées rapidement n’entraînent pas
cette diminution du volume de l’hippocampe (voir les encadrés).
Lors
d’une expérience d’imagerie par résonance
magnétique fonctionnelle (IRMf), des extraits de films
tristes
étaient présentés à des sujets
normaux et à des sujets en dépression. Chaque
groupe devait tenter de réprimer le sentiment de tristesse évoqué par
le film.
L’image ci-contre représente la différence
d'activité cérébrale entre les sujets
sains et les sujets en dépression obtenue par soustraction
de leur activité respective. Elle montre que les sujets
sains ont une activation plus importante de la partie latérale
du cortex orbitofrontal (aire de Brodmann 11), une région
corticale qui joue un rôle majeur dans la régulation
des émotions.
Compte tenu que les sujets déprimés éprouvent
beaucoup de difficulté à inhiber leur
émotions négatives, il n'est pas surprenant d’observer
que leur cortex orbitofrontal est moins actif que celui de
sujets sains.

|
|

Source : Mario Beauregard, Centre
de recherche de l'Institut universitaire de gériatrie
de Montréal |
À la question de savoir pourquoi l’évolution aurait-elle
permis l’émergence et le maintient de circuits
pouvant amener la dépression, on peut se tourner vers
le reste du monde animal pour avoir des pistes de réponses.
On peut évoquer bien sûr l’inhibition
de l’action qui est observable chez
un animal qui ne peut fuir ou lutter contre une situation
désagréable et qui s’apparente
à la dépression. Le statut des animaux les plus
subordonnés dans une hiérarchie pourrait aussi
avoir une valeur adaptative en ce qu’elle empêche
des combats qui pourraient être très coûteux,
voire fatals.
Cela expliquerait aussi pourquoi de nos jours la dépression
est souvent initiée par des événements
qui minent la confiance en soi d’une personne, l’équivalent
d’une défaite face à un animal dominant. |
|
|