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Communiquer
avec des mots |
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Quand ces études
ont été publiées, fin 1990 début
2000, certains médias grand public se sont empressés
de titrer qu’on avait découvert « le gène
du langage ». Évidemment, la réalité
d’une fonction comme le langage est bien trop complexe
pour résider en un seul gène. Il aurait été
plus juste de parler « d’un gène qui pourrait
être impliqué dans le langage », et même
plus précisément dans le cas qui nous concerne,
dans le développement des structures cérébrales
qui sous-tendent le langage.
En effet, la mise en évidence d’un gène
ne constitue qu’une première étape dans
la compréhension de son rôle. La suite de l’enquête,
qui passe inévitablement par l’identification
de la
structure et la fonction de la protéine produite par
ce gène, s’avère généralement
longue et fastidieuse.
C’est un peu comme si l’on voulait comprendre le
fonctionnement d’une automobile en ayant entre les mains
que le plan d’une de ses pièces. On a beau avoir
plusieurs preuves que ce plan est bien celui d’une pièce
de l’auto, on ne sait ni à quoi ressemble la pièce
concrètement, ni ce qu’elle fait, ni quelles autres
pièces interagissent avec elle, et donc encore moins à quoi
ressemble le véhicule… |
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DES GÈNES NÉCESSAIRES À LA
PAROLE |
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Notre aptitude pour le langage parlé implique un contrôle
moteur très précis de la bouche et du larynx, un contrôle
qui est absent chez les autres primates.
Vers la fin des années 1950 et le début des années 1960,
le linguiste Noam Chomsky a mis en évidence le fait que le langage est
universel, complexe et pourtant rapidement acquis sans instructions explicites
par les enfants. D’où la possibilité que l'aptitude humaine
à parler ait des racines génétiques.
Parallèlement, d’autres ont fait remarquer qu'un petit nombre d'enfants échouaient
dans leur apprentissage
à parler. De plus, ce déficit se retrouvait
non seulement souvent chez d’autres membres de leur
famille, mais s’observait encore plus fréquemment
entre les vrais jumeaux qu’entre les faux. Ces difficultés,
appelées "altération spécifique
du langage", englobent tous les désordres du
langage qui ne peuvent être attribués à un
retard mental, à l'autisme, à la surdité ou
à toutes autres causes très générales.
Les personnes souffrant d’altérations spécifiques du langage
ont des problèmes d’articulation, d’identification des sons
de base du langage, de compréhension de la grammaire,
etc.
Une composante héréditaire au langage était donc suspectée
depuis longtemps mais on ne savait pas grand-chose sur les gènes qui étaient
impliqués.
Mais cela a
changé grâce à l’étude d’une
famille britannique connue sous l’abréviation de
« KE ». Dans cette famille, sur 37 membres répartis
sur 4 générations, 15 souffraient d’altérations
spécifiques du langage. Cette grande proportion d’individus
atteints dans la même famille permit tout d’abord
de constater que le désordre pouvait être attribué
à un seul gène transmis par l’un ou l’autre
des parents. De plus, ce gène semblait se transmettre
selon le model dominant / récessif classique et n’était
pas situé sur un chromosome sexuel. |

Arbre généalogique
de la famille KE montrant en noir les membres atteints d’altérations
spécifiques du langage. Les cercles représentent
les femmes, les carrés les hommes.
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Les 23 paires de chromosomes humains
au moment de la mitose.
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En 1998, une
relation fut établie entre un court segment du chromosome
7 et l’altération spécifique du langage.
Mais cette région contenait encore 70 gènes et
l’analyse de ceux-ci un par un est une tâche qui
s’annonçait fastidieuse. Entre alors en scène
« CS », un jeune garçon anglais souffrant
d’altérations spécifiques du langage mais
ne faisant pas partie de la famille KE. Parce que CS avait un
défaut qui était visible sur son chromosome 7,
les chercheurs ont immédiatement concentré leurs
efforts sur ce segment d’ADN. Et comme on s’y attendait
ce gène, qui reçu le nom de FOXP2, était
directement relié à l’altération
spécifique du langage. |
Comme pour l’identification de n’importe quel gène,
l’étape suivante consistait bien entendu à trouver quel
type de protéine était produit à partir des
plans de ce gène.
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