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On pense qu’il
pourrait exister une relation entre la régulation
du sommeil et la réponse immune à l’infection.
En effet, la somnolence est l’une des conséquences
les plus connues des maladies infectieuses. On pense que
certains peptides hypnogènes pourraient être à l’origine
de la fièvre et de la mise en branle de la réponse
immunitaire. Les cytokines, dont la production
est stimulée par une infection, peuvent par exemple
entraîner une augmentation du sommeil et ainsi contribuer à augmenter
les défenses immunitaires.
L’interleukine-1 est
un exemple de ces peptides qui à la fois stimulent
le système immunitaire et favorisent le sommeil.
Ce peptide est synthétisé dans les cellules
gliales du cerveau et dans les macrophages qui débarrassent
l’organisme des corps étrangers.
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CES MOLÉCULES
QUI S'ACCUMULENT ET NOUS ENDORMENT |
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À l’horloge
biologique qui règle la
sécrétion cyclique d’hormones établissant
le moment le plus propice pour aller au lit s’ajoute
l’effet de molécules hypnogènes qui s’accumulent
durant l’éveil et favorisent la venue du sommeil.
Plusieurs caractéristiques de l’adénosine en
font un candidat idéal comme facteur hypnogène :
sa concentration dans le cerveau est plus élevée
durant l’éveil que durant le sommeil; elle croît
durant un éveil prolongé; et l’administration
d’adénosine ou de ses agonistes induit la somnolence.
L’adénosine est un produit de la
dégradation de l’ATP (adénosine triphosphate),
la molécule qui sert de « monnaie énergétique » à nos
différentes fonctions cellulaires. La production d’adénosine
reflète donc le niveau d’activité des neurones et
des cellules
gliales. La forte activité cérébrale durant
l’éveil entraîne une forte consommation d’ATP
et par conséquent l’accumulation d’adénosine.
L’accumulation d’adénosine durant l’éveil
est donc liée à la déplétion des réserves
d’ATP sous forme de glycogène dans le cerveau. L’augmentation
d’adénosine, en déclenchant le sommeil lent
durant lequel le cerveau est moins actif, amène donc celui-ci
dans une phase de récupération dont il aurait absolument
besoin, entre autres pour reconstituer ses taux de glycogène.
Comme l’adénosine est constamment métabolisée
par l’enzyme adénosine désaminase,
une baisse de sa production durant le sommeil va entraîner
rapidement une baisse générale de sa concentration
dans le cerveau. Et des conditions plus favorables à l’éveil.
L’injection d’agonistes de l’adénosine
qui ne sont pas dégradés par l’adénosine
désaminase ont d’ailleurs donné lieu à
des résultats intéressants du point de vue du type
de sommeil qu’ils ont favorisé. En effet, ces substances
augmentent le sommeil lent mais diminuent le sommeil paradoxal
pendant lequel le cerveau est très actif. Mais comme le
sommeil paradoxal ne représente que 15% du temps de sommeil
chez le rat où ces expériences ont été faites,
le temps de sommeil total était aussi significativement
plus élevé.
Des résultats similaires ont également été obtenus
avec l’administration d’un inhibiteur de l’adénosine
désaminase, ce qui a pour effet d’augmenter la concentration
d’adénosine dans le cerveau suite à sa dégradation
moins efficace
L’une des premières explications à avoir
été avancée en ce qui concerne les mécanismes
de l’effet hypnogène de l’adénosine est
la suivante : la fixation des molécules d’adénosine
sur leurs récepteurs inhiberait l’enzyme adénylate
cyclase, diminuant l'entrée de calcium dans les terminaisons
pré-synaptiques. Comme cet influx calcique contribue
à la relâche des neurotransmetteurs, la sécrétion
de ceux-ci serait moindre dans plusieurs neurones associés
à l’éveil, comme ceux du télencéphal
basal par exemple. D’où l’effet hypnogène
de l’adénosine.
Mais qu’en est-il des régions
du cerveau qui sont reconnues pour contenir des neurones dont
la stimulation favorise le sommeil, comme la
région préoptique de l’hypothalamus antérieur par
exemple ? On s’est rapidement rendu compte que la micro-injection
de faibles quantités d’adénosine dans ces régions
favorisait également le sommeil. Résultat paradoxal
si l’on s’en tient au seul mécanisme précédemment
cité qui diminue l’activité neuronal :
diminuer l’activité de neurones favorisant le sommeil
devrait au contraire favoriser l’éveil.
C’était sans compter sur
l’immense complexité du jeu des sous-types de
récepteurs qui ont souvent des effets opposés.
Des recherches subséquentes ont en effet démontré
que l’adénosine possède au moins deux sous-types
de récepteurs aux effets inverses, le A1 qui
est inhibiteur, mais aussi le A2A qui est
excitateur. Voilà
pourquoi l’adénosine peut avoir à
la fois des effets inhibiteurs via les récepteur A1
sur des neurones actifs durant l’éveil comme ceux
du télencéphale basal, et des effets stimulants
via les récepteurs A2A dans des régions où l’activité neuronale
favorise le sommeil. |
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Ceci dit, des expériences in vitro ont aussi démontré
que l’adénosine pouvait agir au niveau pré-synaptique
en inhibant, possiblement par des récepteurs A1, des
inputs GABAergiques inhibiteurs. Ce faisant, l’adénosine
pourrait par exemple désinhiber des neurones de l’aire
préoptique de l’hypothalamus antérieur
qui pourraient ainsi favoriser davantage le sommeil. L’immense
complexité de la combinatoire synaptique, disait-on…
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