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Sur
les épaules de Darwin

Des
dogmes qui tombent
Plusieurs expériences
ont montré le lien étroit qui existe entre
la neurogenèse dans l’hippocampe et les
taux de glucocorticoïdes élevés provoqués
par le stress.
L’ablation des glandes surrénales qui sécrètent
les glucocorticoïdes amène chez le rat une augmentation
de la neurogenèse dans le gyrus dentelé de l’hippocampe.
Cet effet peut être renversé par l’injection
d’un glucocorticoïde comme la corticostérone.
Ou encore, on peut empêcher la neurogenèse du
gyrus dentelé en administrant d’une façon
chronique de la corticostérone à des rats normaux.
Des situations naturellement stressante pour un animal ont
aussi des effets néfastes sur la neurogenèse.
Ainsi, un rat exposé à l’odeur d’un
prédateur naturel comme le renard voit sa prolifération
neuronale réduite dans le gyrus dentelé. Le même
phénomène est observé lors d’un
stress psycho-social, comme lorsque deux rats du même
sexe sont mis en présence dans la même cage par
exemple.
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LES ANTIDÉPRESSEURS
ET LA CROISSANCE DE NOUVEAUX NEURONES |
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L’hypothèse selon laquelle le
taux de naissance de nouveaux neurones (ou neurogenèse) dans
l’hippocampe pourrait avoir un lien avec la dépression
est encore jeune. Elle a évidemment été beaucoup
critiquée et même ses défenseurs admettent qu’une
baisse de neurogenèse dans l’hippocampe n’est
certainement pas le seul changement neuronal à survenir lors
d’une dépression.
Il demeure toutefois difficile d’ignorer certains faits qui
s’accumulent et convergent étonnamment bien vers un
rôle pour la neurogenèse dans la dépression.
- Le stress, souvent à l’origine d’une dépression,
diminue la neurogenèse dans l’hippocampe ;
- Les antidépresseurs qui améliorent l’humeur
des patients ont pour effet, pour leur part, d’augmenter
le taux de naissance de nouveaux neurones hippocampiques ;
- Lorsqu’on administre des antidépresseurs
à des animaux, il s’écoule deux à
trois semaines avant que le taux de neurogenèse n’augmente,
puis un autre deux semaines avant que les nouveaux neurones ne
deviennent fonctionnels. Ce délai est sensiblement le
même que celui nécessaire pour qu’un antidépresseurs
commence à avoir un effet sur le moral d’une personne
;
- Si un antidépresseur est donné durant une période
de stress chronique, il prévient le déclin de la
neurogenèse ;
- L’exercice, qui améliore le moral des personnes
en dépression, favorise aussi la neurogenèse dans
l’hippocampe ;
- Même chose pour les thérapies par les électrochocs
qui ont aussi ces deux mêmes effets ;
- Enfin, on a observé à maintes
reprises lors d’autopsies de personnes ayant été
victimes de dépression que leur hippocampe était
plus petit que la normale.

Section du gyrus dentelé de
l’hippocampe montrant de nouvelles cellules marquées
au 5-bromo-2-deoxyuridine (BrdU), un analogue de la thymidine.
Il s’agit des cellules plus foncées que l’on
retrouve dans la zone subgranulaire (SGZ).
L’histogramme montre qu’un traitement aux antidépresseurs
augmente le nombre de nouvelles cellules marquées. Les
antidépresseurs testés incluent les électrochocs
(ECS), l’IMAO tranylcypromine (TCP), l’ISRS fluoxetine
(FLU) et l’inhibiteur sélectif de recapture de
la noradrénaline reboxetine (REB). |
De l’aveux même de ceux qui ont attiré
l’attention sur ces observations convergentes, il est
cependant loin d’être certain que la baisse de
neurogenèse dans l’hippocampe soit le facteur
premier du déclenchement d’une dépression.
Il semble plus probable qu’après qu’une
personne ait sombré dans la dépression, la
baisse de neurogenèse contribuerait à l’y
maintenir. Ou du moins à entraver l’élaboration
de nouvelles constructions mentales nécessaires pour
s’en sortir.
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