Beaucoup d'évidences
pointent en faveur d'un rôle important du cortex préfrontal dorso-latéral
dans certaines formes de mémoire de travail. En particulier celles où
l'on doit alterner entre deux tâches mnésiques et celles où
l'on doit explorer différentes possibilités avant de faire un choix.
Il semble assez certain que cette région
du cerveau retient des informations qui servent à des raisonnements en
cours. Mais le type d'implication de cette région est encore grandement
débattu. Sert-elle essentiellement à coordonner l'action de sous-systèmes
esclaves comme dans le
modèle de Baddeley (boucle phonologique et calepin visuo-spatial) ?
Ou bien la région préfrontale sert-elle elle-même de lieu
de stockage temporaire pour certains types d'information comme tendent à
le montrer les travaux de Goldman-Rakic ? Ou encore, serait-ce le niveau d'abstraction
de la tâche qui est déterminant. Ou l'importance de la charge de
travail qui mettrait en jeu cette région ?
On
le voit, le support anatomique de la mémoire de travail est loin d'être
élucidé dans le détail. De plus, la mémoire de travail
est un phénomène d'autant plus complexe qu'il se déroule
dans le temps.
Source:
NIMH Laboratory of Brain and Cognition. Published in Nature, Vol 386, April
1997,p. 610.
Par
exemple, les résultats de l'expérience illustrée ci-contre
montrent que différentes régions du cerveau changent successivement
leur niveau d'activité durant une tâche qui consiste à retenir
l'image d'un visage. Quand des images brouillées sont présentées
au sujet (les barres bleues), ce sont surtout les régions visuelles de
son cerveau qui s'activent (1). Quand les visages sont présentés
(barres noires), ce sont les régions associatives et les régions
frontales qui deviennent plus actives (4,5,6). Et finalement, quand le sujet retient
un visage dans sa mémoire de travail, (barres rouges), les régions
frontales sont les plus actives alors que les régions visuelles sont à
peines stimulées.
On a aussi observé
que des processus distincts interviendraient lors du stockage et du rappel des
éléments mémorisé avec la boucle phonologique ou le
calepin visuo-spatial.
Chose
certaine, le cortex préfrontal joue un rôle primordial dans la
mémoire de travail. Il permet de maintenir disponibles certaines données
nécessaire au raisonnement en cours. Pour ce faire, il doit coopérer
avec plusieurs autres aires corticales desquelles il soutire de l'information
pour de brèves périodes. Le destin de cette information, autrement
dit son passage vers une mémoire à
plus long terme dépend probablement de la mise en jeu du système
limbique.
L'hippocampe reçoit des connexions
des aires corticales sensorielles primaires, associatives unimodales (ne concernant
qu'une modalité sensorielle) et multimodales, et des cortex rhinal et entorhinal.
Alors que ces connexions dites antérogrades convergent vers l'hippocampe,
d'autres voies rétrogrades le quittent et retournent vers les cortex primaires
pour y fixer dans les synapses corticales les associations facilités par
l'hippocampe. On retrouve donc même dans le mécanisme de mémorisation
les boucles de rétroactions si souvent rencontrées à tous
les niveaux dans le monde vivant.
Le cheminement d'une
information à mémoriser à long terme va suivre le circuit
de Papez. Une lésion de ce circuit peut être impliquée dans
l'apparition d'un trouble mnésique. Par exemple, une lésion
des corps mamillaires est responsable d'un syndrome amnésique dont le plus
classique est le syndrome de Korsakoff. En plus des fabulations, de la confusion
et de la désorientation qui accompagne ce syndrome, le patient souffre
d'une amnésie antérograde, c'est-à-dire qu'il ne peut stocker
de nouvelles informations dans sa mémoire à long terme. La cause
la plus classique est une carence d'apport en vitamine B1, comme on peut le voir
dans l'alcoolisme chronique.
MÉMOIRE À LONG TERME
Les recherches récentes
apportent une image complexe et très intriquées des fonctions mnésiques
et de leur localisation. L'hippocampe,
les lobes temporaux, de même que les
structures du système limbique qui leur sont reliées, sont essentiels
à la consolidation de la mémoire à long terme.
L'hippocampe
faciliterait l'association entre différentes régions corticales,
couplant par exemple une mélodie entendue durant un souper aux images des
personnes invitées. Cependant, ce couplage s'estomperait naturellement
pour ne pas engorger la mémoire de souvenirs inutiles. Ce qui va faire
en sorte qu'un souvenir va être renforcé et va éventuellement
être consolidé dans la mémoire à long terme dépend
très souvent de facteurs " limbiques " comme l'intérêt
suscité par l'événement, sa charge émotive ou
son contenu gratifiant.
L'influence des différentes
structures limbiques qui s'exerce sur l'hippocampe et le lobe
temporal se fait par l'entremise du circuit de Papez, aussi
appelé le circuit hippocampo-mamillo-thalamique. Il
s'agit d'un sous-ensemble des nombreuses connections qui relient
les structures limbiques entre elles. Le schéma ci-contre
montre comment l'information y transite successivement de
l'hippocampe aux corps mammilaires de l'hypothalamus, au noyau
antérieur du thalamus, au cortex cingulaire, au cortex
entorhinal pour revenir finalement à l'hippocampe
Après
avoir été " repassées " un certain nombre de fois
dans le circuit de Papez, les associations temporaires d'assemblées de
neurones corticaux générées par un événement
particulier vont subir un remodelage physique qui va les consolider. Si bien qu'au
bout d'un certain temps (de l'ordre de quelques années), ces associations
se stabiliseront et deviendront indépendantes de l'hippocampe. Une lésion
bilatéral de l'hippocampe empêchera la formation de nouveaux souvenirs
à long terme, mais n'effacera pas ceux qui ont été encodés
avant l'accident.
Avec
ce désengagement progressif du système limbique, les souvenirs ne
transitent donc plus par le circuit de Papez mais se retrouvent encodés
dans des zones spécifiques du cortex qui correspondent aux régions
où les informations sensorielles qui sont à l'origine des souvenirs
ont été reçues (le cortex occipital pour les souvenirs visuels,
temporale pour les souvenirs auditifs, etc.). Les traces mnésiques qui
passent ainsi au cortex peuvent durer des décennies, voire toute la vie.