Capsule outil : Les phéromones

Bien avant que l’ocytocine n’envahisse le cerveau des amants, d’autres molécules ont pu jouer un rôle important dans leur rapprochement. Des molécules qui ne circulent toutefois pas dans le corps, mais dans l’air ambiant : les phéromones.

Les phéromones sont en effet des substances chimiques volatiles secrétées à l’extérieur du corps de la plupart des animaux (dans la sueur ou l’urine, par exemple) et qui servent de messagers chimiques entre individus d’une même espèce. Ce sont, d’une certaine manière, des « hormones exogènes ».

Les phéromones peuvent induire un comportement ou une réponse physiologique particulière chez l’individu qui est mis en contact avec elles. Et cela, autre caractéristique importante des phéromones, le plus souvent à son insu car elles n’ont généralement pas odeur détectable.

C’est en 1959 que la première phéromone a été découverte par Adolf Butenandt. Il s’agit du bombykol, un alcool sécrété par la femelle du ver à soie Bombyx mori pour attirer les mâles de son espèce. En 1960, c’était au tour de la substance royale de l’abeille d’être isolée. Cette phéromone émise par la reine inhibe le développement des ovaires des ouvrières et maintient ainsi la cohésion de la colonie.

Edward O. Wilson,  dont les premiers travaux portent sur les substances chimiques qui permettent aux fourmis de suivre la piste d’une congénère, publie en 1963 un article important sur les phéromones. Il y distingue les phéromones facilitant ou inhibant un comportement (action à court terme) de celles modifiant la physiologie (action à long terme). Mais dans les deux cas, le rôle de la phéromone demeure la transmission d’un signal à un membre de la même espèce chez qui elle va déclencher des phénomènes neuro-endocriniens.

Durant les années 1970, des dizaines de phéromones seront identifiées chez des centaines d’espèces. On découvre que certaines sont extrêmement actives, pouvant être détectées en quantités infinitésimales, donc à de grandes distances, plusieurs kilomètres dans le cas du bombykol.

On en distingue maintenant différentes catégories, selon le type de comportement qu’elles déclenchent.

Il y a par exemple les phéromones de pistes, étudiées par Wilson, et qui sont utilisées par des espèces comme les fourmis et les termites pour garder une trace du chemin entre une source de nourriture et leur colonie.

Les phéromones grégaires, comme celles émises par l’abeille reine, permettent de maintenir la structure d’une colonie. La création des colonies de termites commence également par l’émission de ces phéromones d’agrégation qui attirent les individus des deux sexes.

Les phéromones d’espacement (ou épidictiques) sont utilisées pour délimiter un territoire. Les animaux déposent des substances chimiques (généralement peu volatiles pour demeurer longtemps actives) à des endroits fixes qui indiquent à leur congénère jusqu’où va leur territoire. Ce sont par exemple les chiens qui urinent encore au pied des arbres pour marquer leur hypothétique territoire de chasse.

Les phéromones d’alarme indiquent aux congénères la présence d’un danger. Chez les insectes, la phéromone peut être contenue dans une sécrétion défensive. Mais elle peut aussi, comme chez certains poissons ou mammifères, être diffusée directement à partir d’une plaie ouverte.

Les phéromones sexuelles participent à plusieurs aspects de la reproduction, dont l’attraction d’un partenaire du sexe opposé est sans doute l’une des plus fréquentes et des plus connues. Mais elles peuvent aussi influencer des mécanismes physiologiques liés à la reproduction, donner de l’information sur la période de fertilité, etc.

Les phéromones chez l’espèce humaine

De nombreuses observations appuient également l’existence de phéromones chez l’humain. 

L’une des plus connues remonte à 1971, alors qu’on a constaté que des femmes qui cohabitaient dans des résidences universitaires en venaient à ovuler et à avoir leurs menstruations en même temps. La psychologue Martha McClintock, a confirmé qu’il s’agissait bien de l'influence de phéromones par une série d’expérience où les sécrétions prélevées aux aisselles d'une femme avant et pendant son ovulation pouvaient retarder ou allonger le cycle ovarien de celle qui les humait.

Les phéromones sexuelles humaines joueraient également un rôle dans l’attirance entre hommes et femmes. Les phéromones féminines sécrétées en période d’ovulation indiqueraient la période de fécondité maximale et une plus grande disposition de la femme a avoir une relation sexuelle durant cette période, un phénomène psychologique bien documenté.

Mais les femmes seraient également sensibles aux phéromones masculines, comme l'androstadienone (AND). Lorsqu’elles inspiraient à leur insu de l’AND, des femmes jugeaient par exemple des visages d'hommes plus séduisants qu’avec une substance contrôle. Le groupe de Martha McClintock a aussi montré que des concentrations infinitésimales de cette phéromone présente dans la sueur, l'urine ou le sperme des hommes, modifiait l'humeur des femmes, améliorait leur attention et augmentait leur rythme cardiaque, leur température corporelle et leur transpiration.

Des expériences en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ont d’ailleurs confirmé une activation supérieure de la zone cérébrale associée aux processus attentionnels lorsque les femmes avaient senti de l’AND plutôt que des odeurs courantes. Une autre étude, avec la tomographie par émission de positons (TEP) cette fois, a démontré qu'en réponse à une bouffée d'AND, le cerveau des femmes hétérosexuelles et celui des hommes homosexuels réagissaient de la même façon : par une activation de leur hypothalamus, une structure cérébrale importante pour les comportements sexuels.

Comme on s’y attendait, l’hypothalamus des hommes hétérosexuels demeurait silencieux en présence de la phéromone masculine mais s'activait comme prévu lorsque ceux-ci respiraient de l'estratetraenol, une phéromone féminine. Les lesbiennes affirmaient également se sentir attirées par l’estratetraenol, bien que leur activité cérébrale différait de celle des hommes hétérosexuels.

Les phéromones sexuelles permettraient donc chez l’humain d’attirer l’attention sur la présence d’un partenaire potentiellement intéressant et de créer un état psychologique de confiance pour l’aborder plus facilement. Mais par la suite, de nombreux autres facteurs vont prendre le relais, de la physionomie générale au ton de la voix, en passant tous les autres signaux verbaux et non verbaux d’un intérêt mutuel. Et si ce rapprochement mène à des caresses et des relations sexuelles, des hormones comme l’ocytocine avec des effets encore plus puissants se mettront de la partie. Ces mécanismes, complètement inconscients pour les partenaires qui tombent en amour, ont été sélectionné durant l'évolution pour augmenter le taux de succès de la reproduction de notre espèce.

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