Le financement de ce site est assuré par vos dons, merci!
 
L'émergence de la conscience
aide

Liens
Aide Lien : The NMDA receptor and general anaesthetic action Lien : Evolution of Consciousness Lien : Étomidate
Lien : Kétamine Lien : Vicissitudes of Consciousness, Varieties of Correlates Lien : Talk:Neural correlates of consciousness


Il faut rester prudent devant les corrélations qui existent entre quelques propriétés de la conscience et celles parfois assez singulières du monde de l'infiniment petit. Les critiques adressées aux théories moléculaires ou quantiques de la conscience leur reprochent souvent cette tendance à vouloir faire de ces corrélations un modèle explicatif global de la conscience.

Ainsi, parce que l'anesthésie entraîne la perte de conscience, on mettra au centre du modèle les protéines des microtubules qui seraient affectées par certaines substances anesthésiantes. Ou encore on associera le caractère imprévisible et changeant de la conscience au principe d'incertitude et aux superpositions d'états de la physique quantique.

Si le rôle d'un nouveau mécanisme moléculaire s'avérait bel et bien essentiel pour la conscience, il y a toutefois peu de chance qu'il explique à lui seul le phénomène complexe de la conscience humaine. Il devra plutôt s'intégrer dans une théorie qui s'articule également aux niveaux d’organisation supérieurs (neuronal, cérébral, psychologique, etc.). Exactement comme c’est le cas d'autres mécanismes moléculaires qui s'articulent avec les facteurs environnementaux ou psychologiques pour expliquer les défenses immunitaires de l'organisme, par exemple.



DES EFFETS QUANTIQUES À LA BASE DE LA CONSCIENCE?

La plupart des hypothèses qui tentent de faire des liens entre notre conscience subjective et ce qui se passe dans notre cerveau le font au niveau des neurones ou des assemblées de neurones. L'expression consacrée pour décrire cette démarche, les « corrélats neuronaux de la conscience », exprime d'ailleurs très bien ce postulat qui veut que la clé des processus conscients réside dans l'activité de nos cellules nerveuses.

Et de fait, l'activité des neurones et les liens qu'ils entretiennent entre eux se retrouvent au cœur de nombreux modèles comme ceux impliquant par exemple les boucles thalamo-corticales, les oscillations synchrones à 40 Hz ou encore l'influence des noyaux intralaminaires du thalamus sur la synchronisation neuronale.

Mais il existe de nombreuses théories qui tentent de relier le fonctionnement de notre conscience à des structures moléculaires et même aux effets si particuliers de la physique quantique de l'infiniment petit. Il est en effet probable que de plus en plus de mécanismes en deçà du niveau neuronal vont être découverts à mesure que nos techniques d'investigation de l’infiniment petit se raffinent. Et il ne sera pas surprenant de découvrir que certains de ces nouveaux mécanismes auront une influence sur notre conscience.

Une première molécule qui pourrait bien avoir un rôle dans les mécanismes de la conscience est le récepteur NMDA. Il s'agit d'une protéine sur laquelle se fixe le glutamate, ce neurotransmetteur excitateur relâché dans les synapses d'un grand nombre de neurones. Cette grosse molécule en forme de canal est donc insérée dans la membrane du neurone qui reçoit le neurotransmetteur, et son ouverture, suite à la libération du glutamate dans la fente synaptique, va mettre en branle toute une série de réactions biochimiques. qui va aboutir à une plus grande efficacité de cette synapse.

Les récepteurs NMDA sont donc une composante de premier plan du mécanisme par lequel nos neurones peuvent créer des associations durables entre eux en renforçant leurs connexions réciproques, ce qui permet la création de ce que l'on appelle les assemblées de neurones. Et comme ces assemblées sont des acteurs importants de bons nombres de modèles neurobiologiques de la conscience, il semble tout à fait pertinent d'assigner au récepteur NMDA un rôle non négligeable dans nos processus conscients.

Et c'est ce que fait le neurobiologiste allemand Hans Flohr en suggérant que les synapses qui ont des récepteurs NMDA sont celles qui peuvent le mieux se renforcer lorsque l'organisme détecte des régularités dans son environnement.

Flohr rappelle également qu'une substance anesthésiante comme la kétamine, bloque l'effet excitateur normal du glutamate sur les récepteurs NMDA et provoque la perte de conscience.


Une autre substance anesthésiante, l'oxyde nitrique (le « gaz hilarant »), qui est pourtant une molécule d’un type complètement différent de la kétamine, agit ailleurs sur la chaîne de réactions induite par le récepteur NMDA pour produire en bout de ligne des effets semblables.

Par conséquent, Flohr en conclut que le fonctionnement normal du récepteur NMDA et de ses seconds messagers est nécessaire à la conscience.

Plusieurs objections ont cependant été faites à cette approche qui n'implique pas ici d’effets quantiques en tant que tel. Certains ont rappelé que le fonctionnement normal d’innombrables mécanismes moléculaires, et pas seulement du récepteur NMDA, est nécessaire au bon fonctionnement de la conscience. D'autres ont fait remarquer que le bon fonctionnement des synapses à NMDA est aussi important pour les processus inconscients ou encore à la formation d'assemblées de neurones ne participant pas à des processus réflexifs.

Une autre grande objection vient du fait que d'autres substances anesthésiantes fonctionnent assez différemment de la kétamine ou de l'oxyde nitrique. L'étomidate, par exemple, endort en potentialisant les récepteurs GABA. Selon l'hypothèse de Flohr, il faudrait que l'étomidate inhibe indirectement les récepteurs NMDA, ce dont on n'a pas de preuve. Et même si c'était le cas, les deux drogues devraient avoir les mêmes effets anesthésiants. Mais ce n'est pas le cas non plus, l'étomidate n'ayant pas les mêmes effets analgésiques que la kétamine.

On voit poindre ici un problème encore plus vaste qui découle du fait que d'innombrables substances peuvent nous rendre inconscient. Or elles le font de manières si différentes qu'il faut admettre que l'état inconscient qu'elles induisent n'est pas simplement le manque d'une chose qu'on appellerait « la conscience ». Donc s'il est vrai qu'en science on peut généralement tenter de comprendre une chose en regardant les effets de son absence, force est d’admettre qu'avec la conscience, cette démarche s'avère bien incomplète.

  Présentations | Crédits | Contact | Copyleft