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Le
sentiment d'être soi |
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À
la recherche de la trace du temps perdu dans nos synapses
Reconsidérer
les fondements des sciences cognitives
«
La cognition incarnée », séance 5 : Activité
endogène, oscillation et synchronisation de lactivité
dynamique du cerveau
«
Moi » conscient versus motivations inconscientes
Une assemblée
de neurones est un groupe de neurones
qui entretiennent entre eux des
connexions synaptiques renforcées,
de sorte qu’ils ont plus de chance d’être
actifs tous ensembles en même temps.
Les neurones des assemblées de neurones ne sont
pas nécessairement tous voisins et peuvent être
répartis dans différentes régions
du cerveau. D’autre part, un même neurone peut
participer à plusieurs assemblées et peut à tout
moment être recruté par de nouvelles assemblées.
Les assemblées de neurones ne sont donc pas stables
mais dynamiques et pas nécessairement localisées
mais souvent distribuées.
On connaît aussi d’autres propriétés
des assemblées de neurones dont il faut tenir compte
dans les modèles. On sait par exemple que si une partie
seulement d’une assemblée de neurones se trouve
activée, cette activation peut se propager dans l’ensemble
du réseau si un certain seuil est franchi. De sorte
que réussir à activer une partie seulement d’un
souvenir peut amener l’assemblée neuronale au
complet à s’activer et ainsi combler les
trous de mémoire et retrouver l’ensemble
de la représentation.
Le phénomène inverse, en quelque sorte, se
produite aussi : des assemblées de neurones qui n’ont
au départ rien à voir entre elles mais qui
se mettent à être activées en même
temps d’une façon répétée
deviennent plus fortement connectées. Il s’agit
en fait ici du principe
fondamental de l’apprentissage au niveau cellulaire,
mécanisme par lequel nous pouvons emmagasiner dans
notre mémoire les régularités du monde,
ce qui a évidemment une valeur
adaptative certaine. |
Plusieurs considérations
plaident en faveur de l’assemblée de neurones
comme étant le plus petit substrat d’une représentation
mentale signifiante.
La mort de neurones isolés est un phénomène
qui a cours quotidiennement dans le cerveau, mais la soudaine
disparition d’un savoir survient seulement quand
des régions cérébrales contenant de
grandes quantités de neurones sont détruites.
La capacité du cerveau à emmagasiner de nouveaux
apprentissages déclaratifs
ou procéduraux n’a pas de limite
définie. Comme il y a déjà énormément
de neurones dans notre cerveau, la combinatoire
de ces neurones en diverses assemblées qui peuvent
avoir des
éléments communs rend le nombre de représentations
possibles lui aussi pratiquement infini.
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LES ASSEMBLÉES DE NEURONES ET LA SYNCHRONISATION
D'ACTIVITÉ |
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Comment une idée consciente vient-elle à notre
esprit ? Et par quels mécanismes notre conscience passe-t-elle
d’une idée à une autre ? Les
modèles neurobiologiques de la conscience offrent des
pistes de réponse intéressantes à ces questions
vieilles comme le monde.
Il faut ici rappeler deux choses. D’abord
que ces modèles se situent philosophiquement dans un cadre matérialiste.
Ensuite que l'hypothèse générale de cette
approche est qu’il existe des «
corrélats neuronaux » de la conscience, autrement
dit que tout changement dans nos états mentaux amène
forcément un changement dans nos états neuronaux.
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Concrètement, la
plupart de ces modèles s’entendent sur le fait
que tant nos perceptions que nos concepts plus abstraits correspondent à de
vastes réseaux ou «assemblées de
neurones» dont l’activité
obéit à une dynamique complexe (voir encadré). |
La plupart des modèles reconnaissent également
que le cerveau traite à tout moment beaucoup
plus d’information que celles dont nous sommes conscients.
On n’a qu’à penser au système visuel
et à la
fausse impression que nous avons d’avoir conscience de toute
la scène qui est devant nous alors que nous ne faisons
l’expérience consciente que d’une faible proportion
seulement de celle-ci.
Qu’est-ce qui nous permet alors de
faire une différence entre la multitude de données
traitées inconsciemment et l’unique contenu de conscience à un
moment donné ? Il faut en effet rappeler qu’il ne
peut y avoir qu’une seule chose à la fois dans notre
conscience, même si celle-ci peut alterner très rapidement
entre différents contenus.
En terme neuronal, notre question devient
: quelle assemblée de neurones deviendra celle dont on peut
associer l’activité à une pensée consciente à un
moment donné ? Les différentes assemblées
de neurones entrent donc d’une certaine façon en compétition
pour passer dans la porte étroite de la conscience. Suffit-il
alors de dire que ce sont les assemblées de neurones les
plus actives qui formeront le contenu de notre conscience ?
Un problème de taille survient quand
on essaie d’expliquer ainsi la différence entre le
conscient et l’inconscient seulement en terme d’importance
de l’activité neuronale. C’est que l’activité d’un
neurone, qui s’exprime concrètement par la fréquence
des influx nerveux émis par ce neurone, est déjà utilisée
par le cerveau pour représenter l’intensité des
stimuli (le fait qu’il y ait plus ou moins de lumière
ou qu’un son soit plus ou moins fort, par exemple).
Il doit donc forcément y avoir un
autre mécanisme par lequel on sélectionne un contenu
conscient car la fréquence de l’influx nerveux ne
peut pas à la fois indiquer l’intensité d’un
stimulus et s’il est conscient ou non. Comment le cerveau
ferait-il alors pour distinguer un stimulus intense mais inconscient
(les paroles de la chanson qui joue très fort dans un bar
mais auxquelles on ne porte pas attention) d’un stimulus
moins intense mais conscient (les mots doux qu’on nous chuchote à l’oreille
et auxquels nous sommes on ne peut plus attentif) ?
Il doit donc y avoir un autre mécanisme
qui permette au cerveau d’intégrer à la fois
l’importance objective d’un stimulus et de distinguer
entre les représentations conscientes et inconscientes.
Ce mécanisme devra aussi rendre compte
d’un autre problème qui n’en a pas l’air
d’un lorsque l’on ignore comment se fait le traitement
de l’information sensorielle dans notre cerveau, mais qui
devient un véritable casse-tête quand on en tient
compte. Cette difficulté découle du fait que notre
cerveau traite en parallèle, grâce à de nombreux
circuits spécialisés, différentes propriétés
des objets perçus.
Prenons l’exemple d’une personne
qui regarde un chapeau. Des
aires visuelles distinctes, situées dans le cortex occipital,
vont traiter en même temps différentes propriétés
du chapeau.
Certaines vont être sensibles au contour
du chapeau, d'autres à sa couleur, d'autres à sa forme,
d'autres à sa texture, d'autres à sa localisation
dans l'espace, etc. On voit déjà poindre le problème
à l’horizon : comment le cerveau va-t-il s’y
prendre pour intégrer toutes ces propriétés
décodées à différents endroits et pour
nous donner cette perception subjective d’un seul objet, en
l’occurrence ici un chapeau ?
(d’après Engel
et al, 1999) |
Mais les choses peuvent être encore plus compliquées.
Qu'arrive-t-il par exemple lorsque l'on voit une valise verte
à côté d'un chapeau bleu par exemple ?
Nos aires visuelles de la couleur enregistrent le bleu et
le vert, celles de la forme un rectangle et une forme plutôt
arrondie, celle de la position un objet à gauche et
un objet à droite, etc. Mais où les caractéristiques
d’un même objet sont-elles mises ensemble pour
former la perception consciente et distincte que l’on
a de chacun des deux objets, sans en mélanger les caractéristiques
? Voilà qui pose problème. Un problème
de liaison ou, selon l’expression anglaise consacrée,
un «binding problem».
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Ce problème de liaison des différentes
propriétés d’un objet en une seule perception
consciente et cohérente est intimement lié au phénomène
nous permettant de sélectionner quelles assemblées
de neurones quittent l’inconscient pour accéder à
la conscience.
Parmi les propositions s’adressant à ces
deux problèmes, la
synchronisation des oscillations neuronales est certainement
l’un des mécanismes les plus débattus. D’autres
sont allés encore plus loin en
ajoutant un deuxième système de synchronisation temporelle
au premier.
Peut-on
associer les phénomènes conscients avec l’activité d’un
type de neurone particulier ? Bien entendu, cela ne peut
pas être aussi simple. Toutefois, des chercheurs pensent
que certains types de neurones particuliers pourraient y
jouer un rôle non négligeable. C’est le
cas des grandes cellules nerveuses allongées en
forme de fuseau appelées VEN.
Les neurones VEN, nommés d’après
les initiales de C.
von Economo qui les a le premier décrits
en 1925, sont des neurones
bipolaires situés exclusivement dans la
couche V du cortex
cingulaire antérieur et de l’insula.
De plus, ces neurones ne se retrouvent
que chez les grands singes et chez l’être humain.
Et comme par hasard, c’est l’humain qui, de loin,
en a le plus. Ceci suggère que ces neurones sont apparus
bien tardivement à l’échelle
de l’évolution, il y a quelque chose
comme 15 millions d’années.
Leur relative jeunesse du point de
vue évolutif ainsi que leur localisation dans des
régions du lobe frontal impliquées dans nos
fonctions cognitives supérieures en ont fait un point
d’intérêt de certains
modèles neurobiologiques de la conscience.
Leur morphologie et leur localisation suggèrent en
effet que ces neurones reçoivent un large éventail
de stimuli qu’ils pourraient intégrer et traiter
très rapidement.
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