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SEXE
: ou comment capter (trop) facilement lattention à
lheure dInternet
Plusieurs études d’imagerie cérébrale
ont montré à quel point la vue d’un joli visage féminin
provoque, chez l’homme hétérosexuel, l’activation de
ce que l’on appelle le
circuit de la récompense. Ainsi, des zones cérébrales
impliquées dans l’identification de récompenses potentielles
comme le noyau
accumbens et le cortex orbitofrontal augementent d’autant plus leur
activité que le jugement porté sur la beauté du visage est
élevé. Une expérience similaire a été
menée avec des hommes qui regardaient cette fois des corps de femme nus
avant et après une chirurgie esthétique redistribuant les graisses
pour obtenir un ratio taille / hanche optimal de 0,7. Le passage vers le ratio
optimal de 0,7 stimule le cortex cingulaire antérieur, une région
associée elle aussi au circuit de la récompense et de la prise de
décision. Tout comme d’ailleurs le noyau accumbens et le cortex orbitofrontal,
eux aussi activés lors de cette expérience. Chez l’homme,
l’appréciation de traits physiques associés à une fertilité
potentielle élevée chez la femme est donc non seulement attractif,
mais semble aussi utiliser, comme la nourriture ou la
cocaïne par exemple, les voies de la
dépendance. |
Le volume du cortex préfrontal
humain est environ quatre fois plus important que celui de nos cousins les chimpanzés.
Or les études d’imagerie ont montré que cette
structure relativement récente d’un point de vue évolutif
était particulièrement active lorsque l’on demandait à
des hommes de modérer l’excitation sexuelle qu’ils ressentaient
à la vue de scènes sexuelles explicites. La capacité
de contrôler et de réprimer son excitation sexuelle, relèverait
donc d’une région cérébrale propre aux primates et
particulièrement développée chez les humains. Chez
les hommes souffrant du trouble du désir sexuel hypoactif, qui n’expérimentent
que très rarement désirs ou fantasmes sexuels, on observe une activation
du cortex orbitofrontal médian par rapport aux hommes
normaux. Cette région du cortex préfrontal étant connue pour
le contrôle qu’elle exerce sur nos émotions, son hyperactivation
semble couper court à toute manifestation émotive du désir
sexuel chez les sujets hypoactifs. |
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DES RÉSEAUX CÉRÉBRAUX POUR DIFFÉRENTS
MOMENTS AMOUREUX | | Depuis Freud, le
désir sexuel a souvent été associé à la
part la plus animale et primaire des comportements humains. On pourrait croire
alors qu’une ou quelques régions cérébrales suffisent
à le faire naître. Il n’en est rien. Les
études d’imagerie cérébrales montrent en effet que
lors de l’excitation sexuelle, un grand nombre de structures cérébrales
sont actives. Et parmi celles-ci, plusieurs sont associées à certains
de nos mécanismes de pensée les plus sophistiqués. On
observe d’abord bien entendu de l’activation dans les différents
cortex sensoriels, selon la modalité des stimuli sexuels utilisés.
Puis, à un niveau d’abstraction un peu plus élevé,
le recrutement de zones associées aux émotions, en particulier dans
le lobe temporal. L’amygdale
et l’hippocampe
peuvent ainsi réveiller le souvenir de certaines expériences sexuelles
évoquées par le stimulus présenté. L’activation
de l’insula
révèle quant à elle une réflexion sur l’état
de nos sensations corporelles (des « papillons dans l’estomac »,
par exemple), et donc un processus cognitif encore d’ordre supérieur.
Enfin, des régions cérébrales impliquées dans des
processus complexes comme la
compréhension des pensées et des intentions d’autrui sont
aussi sollicitées par le désir sexuel. Qu’en
est-il maintenant de la séquence d’activation de ces régions
suite à la présentation du stimulus sexuel ? Des études utilisant
la technique de l’électroencéphalographie
(ou EEG), qui a une très grande résolution temporelle, ont montré
qu’il ne faut pas plus de 0,4 seconde à un sujet pour décider
si une personne en maillot de bain lui semble désirable et pour appuyer
alors sur un bouton. Durant ce 0,4 seconde en moyenne, plusieurs régions
du cerveau peuvent devenir actives, silencieuses, et même actives à
nouveau. Cette séquence d’activation ne semble toutefois pas contrainte
par une logique « du plus simple au plus complexe » (ou
« bottom up », comme on dit en anglais). Autrement dit,
il n’y a pas une activation des zones sensorielles, suivie des zones émotionnelles,
suivie des « centres supérieurs », comme on s’y
attendait. On observe au contraire que ces régions
associatives supérieures peuvent entrer en jeu relativement tôt dans
la séquence, révélant par le fait même une
influence « du haut vers le bas » (ou « top
down », en anglais). Ces régions supérieures pourraient
par exemple induire une plus grande sensibilité du cortex visuel pour certaines
propriétés du stimulus identifiées comme sexuellement désirables
par ces régions. D’autres études
se sont attardées sur ce qui se passe dans le cerveau durant l’étape
ultime du désir sexuel, l’orgasme. Il s’est
dit beaucoup de choses depuis les recherches initiales de Kinsey, puis de Master
et Johnson, sur les différences entre orgasmes féminin et masculin.
On reconnaît par exemple que l’orgasme masculin est plus soudain et
explosif de nature que l’orgasme féminin, moins violent mais plus
soutenu. Mais il semble qu’au niveau subjectif, l’orgasme féminin
et masculin ne soient pas si différents, leur description psychologique
écrite sans références aux organes génitaux étant
pratiquement indiscernable, même pour des spécialistes. Les
expériences en imagerie cérébrale ainsi qu’avec l’EEG
suggèrent que les orgasmes masculins et féminins sollicitent un
réseau complexe similaire de régions cérébrales. De
légères différences ont toutefois été observées
entre les hommes et les femmes durant l’orgasme. Chez la femme, l’orgasme
s’accompagne par exemple d’une activation spécifique de certaines
régions comme le nucleus
accumbens, le cortex
cingulaire antérieur, l’hypothalamus
ou l’hippocampe. Chez
l’homme, les zones spécifiquement activées sont plutôt
l’aire
tegmentale ventrale, le thalamus et le cortex
visuel. De plus, chez ce dernier, certaines expériences ont permis
de reconstituer la séquence d’activations cérébrales
accompagnant l’érection puis l’éjaculation. En premier
lieu, c’est l’activité de l’hypothalamus et du cortex
somesthésique secondaire qui augmente. Le premier commanderait l’afflux
sanguin au pénis, alors que le second est connu pour établir une
communication entre le cortex somesthésique primaire (qui perçoit
les stimulations tactiles) et le cerveau
limbique (qui participe aux émotions). Puis,
durant la phase de l’érection soutenue, le cortex cingulaire antérieur
prend le relais, suivi du complexe amygdalien et de l’insula. Le cortex
cingulaire antérieur participe à la motivation, l’insula
est associée à des réactions viscérales d’origine
visuelle et le complexe amygdalien est un moteur émotionnel au sens large.
Durant l’éjaculation, différentes
études ont trouvé de nombreuses régions cérébrales
qui modifient leur activité, notamment une baisse d’activité
dans la partie médiane de l’amygdale ainsi que dans l’ensemble
du cortex, excepté dans le cortex préfrontal droit où elle
augmente. Une activation a aussi été observée dans l’aire
tegmentale ventrale, le putamen, l’insula, le précunéus,
le cervelet,
les cortex temporaux, frontaux et visuels.
Les premières études
d’imagerie cérébrale sur l’orgasme féminin
datent du milieu des années 2000 et rapportent elles aussi une activation
séquentielle menant vers l’orgasme, avec des similitudes mais également
des différences par rapport à l’orgasme masculin. S’activent
donc en premier des régions comme l’insula, les ganglions
de la base (surtout le putamen) et la partie médiane de l’amygdale.
Puis c’est au tour du cortex cingulaire d’augmenter son activité,
région aussi connue pour son rôle dans le contrôle de la
douleur. Et finalement, durant l’orgasme, le nucleus accumbens, le
noyau paraventriculaire de l’hypothalamus et l’hippocampe deviennent
plus actifs. | |
Différentes coupes sagittales (de
profil) de l’activation cérébrale durant l’orgasme d’une
femme. De nombreuses régions sont impliquées, particulièrement
le cortex préfrontal (A) et le cortex cingulaire antérieur (B).
Les couleurs plus chaudes signifient davantage d’activation. (Source : Dr.
Barry R. Komisaruk, Rutgers University) | Le
cortex préfrontal a aussi montré une activation dans certaines études
sur l’orgasme féminin, mais pas dans d’autres. On pense que
cette disparité pourrait s’expliquer par les différentes manières
dont l’orgasme était produit dans ces études, par masturbation
ou par stimulation de la part d’un partenaire. Dans cette dernière
situation, on croit que la femme pourrait s’abandonner plus facilement et
avoir moins besoin d’exercer un contrôle sur la situation, ce qui
expliquerait l’implication moindre de son cortex préfrontal. Une
trentaine de régions en tout ont été identifiées comme
modifiant leur activité durant l’orgasme féminin, incluant
de vastes régions comme les cortex temporaux, pariétaux et le cervelet.
On note également une présence importante de structures du système
limbique dont le rôle dans les émotions est reconnu et corrobore
l’état émotionnel intense ressenti par les femmes durant l’orgasme.
Pris dans leur ensemble, l’implicaiton de ces régions suggère
aussi une compatibilité avec le
plaisir, la relaxation et l’absence d’anxiété durant
l’orgasme féminin. Mais aussi la présence de processus cognitifs
évoqués par l’activation de structures comme l’hippocampe. Et
comme si cette complexité des structures cérébrales nécessaires
à un comportement apparemment aussi simple que le désir sexuel n’était
pas déjà assez grande, il ne faut pas oublier les différences
interindividuelles qui s’ajoutent à cela et apportent sans doute
aussi une variabilité dans l’activation des différentes zones.
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