Capsule outil : Le darwinisme neuronal.
Le processus de sélection qui est à la base de l’évolution
n’est pas seulement à l’œuvre à l’échelle
des individus et des espèces, mais également au niveau cellulaire
dans les différents grands systèmes d’un organisme.
Un de ceux qui a le plus travaillé sur ces hypothèses de la sélection
darwinienne au niveau cellulaire est le prix Nobel de médecine de 1972,
Gerald Edelman. Ses travaux ont montré que le système immunitaire
n'est pas programmé à l'avance pour faire face à tous les
microbes et envahisseurs potentiels. C’est plutôt la pression des
antigènes (des envahisseurs) qui sélectionne les anticorps parmi
l'infini variété de ceux produits au hasard par le système
immunitaire. Edelman s'est par la suite fait connaître par sa théorie
de la sélection des groupes neuronaux (ou darwinisme neuronal) dont nous
ne donnerons ici qu’un aperçu très général (voir
les capsules de liens pour plus de détails). Cette théorie
repose également sur un processus sélectif, mais cette fois-ci pour
rendre compte de la mise en place et du fonctionnement du système nerveux.
Edelman fait appel au mécanisme de la compétition et de la sélection
de groupe neuronaux pour expliquer comment nos gènes relativement peu nombreux
(entre 20 et 40 000 selon les estimés) peuvent construire un système
nerveux composé de près neurones.
Considérant que chacun de ces neurones établit des milliers de connexions,
il est mathématiquement impossible que le génome spécifie
entièrement le câblage précis du cerveau.
L’hypothèse
centrale d’Edelman est que la cartographie neuronale hypercomplexe du cerveau
se construit par un processus sélectif. Le génome de l'individu
génère d’abord des réseaux de neurones variés.
C’est à partir de ce répertoire neuronal de base défini
par le génome (et propre à chaque espèce) que seront par
la suite sélectionnés certains réseaux de neurones qui répondent
particulièrement bien à des stimuli externes importants pour l’organisme.
Comme pour la sélection naturelle à l’origine des
différentes espèces, nous retrouvons donc ici deux concepts clés
: la production d'une variété de formes (la diversité des
structure neuronale) et un mécanisme qui sélectionne les formes
les mieux adaptées (la stabilisation sélective des circuits neuronaux).
Les connexions les plus utilisées vont donc se renforcer et les autres
disparaître, façonnant ainsi des réseaux de neurones unique
à chaque individu. Les facteurs à l’origine de cette stabilisation
sélective de synapses sont en premier lieu des forces biologiques primaires
(le besoin d’alimentation, la reproduction, etc.), mais aussi l’environnement
physique et social. Edelman appelle ces forces « values », qui n’ont
rien à voir avec des « valeurs » au sens moral, mais plutôt
avec les besoins fondamentaux d’un être vivant. Les circuits
sélectionnés forment ce qu’Edelman appelle des cartes neuronales.
Ces cartes, qui sont massivement interconnectées entre elles, vont à
leur tour pouvoir s’associer en entrant en « résonnance »
temporelle. Ce processus pourrait donc ainsi être à la base de nos
capacités de catégorisation perceptives qui combinerait l’activité
de différentes cartes du cortex, les unes sensibles aux formes, les autres
à la couleur, les troisièmes au toucher, etc. À noter
qu’il n’y a pas de superviseur central qui apporterait de la cohérence
à la perception. Différentes cartes sont simplement excitées
en même temps, provoquant l’activation de millions de neurones en
parallèle qui activent à leur tour d’autres cartes comportant
des millions de neurones elles aussi. Et c’est à partir de cette
ré-entrance (« reentry ») que se construirait la perception,
les comportements moteurs, la pensée conceptuelle et même la conscience.
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