Capsule outil : la primatologie

Toute personne qui commence à observer les primates est tout de suite frappée par les ressemblances de leurs comportements avec les nôtres : les comportements maternels, le jeu, les rapports de dominance, les coalitions, tout nous renvoie directement à des conduites humaines.

En ce sens, la primatologie peut apporter un éclairage nouveau sur les conduites humaines et contribuer à leur compréhension. Prenons quelques exemples.

Dans le cas de l'ethnocentrisme, phénomène universel chez l'humain qui, dans certaines circonstances peut aller jusqu'à la xénophobie et au racisme.

Pour éviter le piège des analogies directes, le primatologue parle plutôt d'hostilité intergroupe pour décrire ce phénomène également généralisé chez les primates. Cette méfiance se manifeste chez les singes d'une même espèce dès que des singes de groupes différents se rencontrent, et est inversement proportionnelle à la familiarité entre les membres de ces groupes distincts.

Des comportements comme ceux-ci dont nous sommes les héritiers viennent de si loin d'un point de vue évolutif qu'on ne sera probablement jamais capable de s'en affranchir complètement. Mais cela ne veut pas dire que nous en somme les esclaves. Une prédisposition, qu'elle soit génétique ou comportementale, peut être déjouée ou contournée si on la connaît et qu'on a les outils pour le faire. Et dans ce cas-ci, l'outil par excellence que l'humain a développé et qui fait défaut au primate, c'est le langage. Grâce au langage et à l'éducation, on peut chercher à accroître cette familiarité avec l'étranger et réduire ainsi les tensions. On dira au jeune : va jouer avec l'immigrant, essaye de le comprendre, va chez lui…

Prenons un autre exemple. Les ethnologues qui étudient les différents systèmes de reproduction des sociétés humaines s'aperçoivent que la majorité sont polygynes (un homme avec plusieurs femmes), qu'une autre partie est monogame alors qu'une infime proportion est polyandre (une femme avec plusieurs hommes). Ils tentent alors d'essayer d'expliquer cette variabilité complexe avec les outils de leur discipline. Mais ne leur serait-il pas utile de savoir que chez l'ensemble des primates, et des mammifères en général, la polygynie est le système de reproduction de base ?

Mieux encore, l'adoption d'une perspective évolutive, et en particulier la connaissance de la théorie de la sélection sexuelle, l'une des théories du comportement les plus solides, permet dans ce cas-ci d'aller encore plus loin dans l'explication.

Tout repose en effet sur l'inégalité initiale de l'investissement parental entre mâles et femelles. Autrement dit, chez les mammifères, ce sont les femelles qui portent l'enfant et qui l'allaitent, ce qui leur impose des limites importantes sur le plan physiologique quant au nombre d'enfants qu'elles peuvent produire. Les mâles, eux, ne sont pas limités de cette façon : plus ils fécondent de femelles, plus ils laissent de descendants. D'où, chez les primates, la compétition entre mâles pour les femelles et le fait que les femelles, elles, sont beaucoup plus sélectives dans le choix de leurs partenaires.

Il devient alors intéressant d'analyser la monogamie des sociétés comme la nôtre. On comprend d'abord beaucoup mieux pourquoi rares sont celles qui le sont parfaitement. Ensuite chez l'humain, parce que son petit naît très immature et sans défense, on a développé les soins paternels comme nulle autre espèce. Cela peut nous donner une petite idée du genre de pression qui a pu jouer en faveur d'une association à long terme entre hommes et femmes.

La connaissance de ces vieux " fonds " phylogénétiques vient donc enrichir les explications des spécialistes des sciences humaines. S'en priver consciemment reviendrait à faire montre d'une " territorialité intellectuelle " plutôt improductive…

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