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outil: L’anesthésie et l’analgésie La douleur
est une des principales manifestations des blessures et des maladies aiguës ou
chroniques. Si la guérison naturelle la fait diminuer et éventuellement disparaître,
on tente depuis toujours d’apaiser le mal-être qu’elle produit à l’aide de substances
extraites des plantes (comme la morphine) ou produites en laboratoire. La
connaissance grandissante des neurotransmetteurs et des récepteurs des voies de
la douleur a mené à la production de nouveaux médicaments empêchant ou diminuant
la douleur. Ces molécules agissent en se fixant sur des récepteurs spécifiques
qu’elles activent ou bloquent à différents endroits le long des voies nociceptives.
Ainsi, différentes classes de médicaments peuvent modifier la transmission de
la douleur tant en périphérie que dans la moelle épinière ou le cerveau. Les
deux grandes avenues pour moduler la perception douloureuse sont l’anesthésie
et l’analgésie. L’anesthésie renvoie à toute une classe
de médicaments qui réduisent l’activité dans le système nerveux afin d’empêcher
la douleur durant des actes chirurgicaux. Dans l’anesthésie générale, le
composé agit sur le cerveau en abaissant la vigilance de l’individu au point où
celui-ci perd conscience. La douleur étant un processus conscient, elle s’évanouit
quand le cerveau anesthésié s’endort. Il s’agit toutefois d’un sommeil artificiel
très différent du sommeil naturel. La source de la douleur est donc toujours là,
et les réflexes physiologiques accompagnant la douleur aussi, mais nous n’en avons
plus conscience. L’anesthésie peut aussi être locale (ou régionale) lorsque
seuls les nerfs d’une certaine région du corps sont « endormis ». Par exemple
lorsqu’on va chez le dentiste, l’anesthésie locale des nerfs des dents empêche
toute douleur de se rendre au cerveau. Ou encore, la fameuse anesthésie péridurale
utilisée pour supprimer la douleur de l'accouchement. L’analgésie
correspond pour sa part à la prise de médicaments visant à éliminer ou à atténuer
la douleur. Il peut s’agir ici d’une douleur post-opératoire, mais plus couramment
de n’importe quelle douleur aiguë ou chronique. Ces médicaments sont aussi appelés
antidouleurs ou antalgiques, cette dernière appellation étant associée davantage
à des substances rendant la douleur tolérable plutôt que capable de la faire disparaître
complètement. Il n’y a évidemment ici pas de perte de conscience comme
l’anesthésie générale, et chaque médicament analgésique possède un temps de latence
et une durée d’action déterminée. Certains agissent en quelques secondes mais
n’ont un effet que de quelques minutes tandis que d’autres, comme la morphine,
agissent plus lentement (environ 15 minutes) mais ont un effet plus durable (3
à 4 heures). Parmi les catégories d’analgésiques les plus fréquemment utilisés,
on retrouve les opioïdes et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
Les médicaments opioïdes comprennent les opiacés naturels, soit
les substances extraites du pavot à opium (comme la morphine) et leurs dérivés
synthétiques comme la mépéridine (Demerol) ou la méthadone. Ils sont et
demeurent parmi les médicaments les plus employés pour soulager les douleurs modérées
à intenses. Plus on augmente la dose, plus ils sont efficaces, mais plus leurs
effets indésirables deviennent aussi invalidants et dangereux. Parmi ceux-ci,
les plus communs sont la constipation, la sédation et la dépression respiratoire.
Les médicaments de cette catégorie agissent sur un ou plusieurs des principaux
récepteurs opioïdes et de leurs sous-types dans le cerveau. Certains effets secondaires
sont associés à la stimulation de certains sous-types de récepteurs particuliers,
d’où les recherches pour synthétiser des substances opioïdes qui ciblent les récepteurs
produisant un bon effet analgésique et pas ceux à l’origine des effets secondaires.
Les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
sont désignés ainsi pour les distinguer des glucocorticoïdes qui ont eux aussi
parmi leurs effets une action anti-inflammatoire importante. Les AINS ont un effet
analgésique qui soulage les douleurs légères à modérées. Les deux représentants
les plus connus sont l’aspirine et l’ibuprofène. L’aspirine,
ou acide acétylsalicylique, est le médicament le plus populaire au monde. Mis
en marché dès 1899 par la firme allemande Bayer, il agit en inhibant la cyclooxygénase,
une enzyme importante dans la synthèse des prostaglandines. Ces dernières sont
issues de l’acide arachidonique, une molécule relâchée lorsqu’un tissu est lésé.
En dépolarisant les neurones nociceptifs, les prostaglandines provoquent leur
sensibilisation et la plus grande sensibilité à la douleur qui s’ensuit. Par conséquent,
en bloquant la production de l’enzyme qui fabrique les prostaglandines, l’aspirine
atténue cette inflammation douloureuse. Les AINS comme l’aspirine ont plusieurs
autres effets, certains bénéfiques, d’autres néfastes : ils diminuent la fièvre,
retardent la coagulation sanguine, peuvent causer des ulcères d’estomac et ont
des effets toxiques au niveau des reins et du foie. Depuis 1950, une autre
substance analgésique et antipyrétique (contre la fièvre) d’intensité comparable
à celle de l’aspirine a été mise sur le marché. Il s’agit du paracétamol,
aussi appelé acétaminophène, qui n’a cependant pratiquement pas
d’effet sur l’inflammation. Il n’affecte pas non plus l’agrégation plaquettaire
à l’origine de la coagulation sanguine et ne peut donc pas être prescrit pour
diminuer les risques d’attaque cardiaque et d’embolies cérébrales dues aux caillots
intravasculaires (comme l’aspirine). Le paracétamol, ou acétaminophène,
est la substance active de nombreux médicaments vendus sous différents noms (Doliprane,
Dafalgan ou Efferalgan en France ; Tylenol ou Panadol au Canada ou aux États-Unis).
Il est dénué d'effets indésirables sérieux lorsqu'il est utilisé à la posologie
recommandée, mais peut être très toxique pour le foie en cas de surdose. |