| Capsule outil: La Cybernétique   Pour 
l’un de ses pionniers, Louis Couffignal, la cybernétique est "l'art 
de rendre efficace l'action". Plus prosaïquement, c’est la science 
des relations dynamiques, donc évoluant dans le temps, entre 
les éléments d’un ensemble.
 La cybernétique 
trouve des applications autant dans l'industrie, en biologie qu’en art. 
Sans oublier l'informatique qui peut être considérée comme 
une application de la cybernétique. Les nombreux termes relatifs à 
Internet qui commencent par cyber (cyberespace, cyber-café, cyborg, etc.) 
doivent d’ailleurs leur étymologie à la cybernétique.
 
 La cybernétique étant intimement liée aux notions de 
structures et de niveau d'organisation, elle nous oblige à définir 
clairement certains de leurs éléments dont l’interaction peut 
être schématisée de la façon suivante :
 
   
 D’abord, un effecteur est un mécanisme 
produisant certains effets.
 
 Les facteurs 
sont les conditions nécessaires au fonctionnement de l’effecteur.
 
 Une rétroaction est un phénomène 
par lequel les effets sont capables d’influencer un ou plusieurs facteurs 
agissant sur l’effecteur. La rétroaction (ou feed-back en 
anglais) permet de poursuivre une finalité, c'est-à-dire d'évoluer 
vers un état à atteindre ou maintenir un comportement malgré 
les perturbations dues au milieu extérieur.
 
 Le but d’un 
effecteur est de maintenir une certaine valeur de l’effet. Quand l’effecteur 
cherche à garder une valeur constante à l’effet, on dit qu’il 
est en constance. C’est le cas de la très grande 
majorité des mécanismes physiologiques qui contribuent à 
maintenir l'équilibre du milieu intérieur des êtres vivants.
 
 À l’opposé, si le but de l’effecteur est de 
tendre vers une valeur maximum de l’effet, on dit que l’effecteur 
travaille en tendance.
 
 Un effecteur en constance est 
réglé s’il est soumis à une rétroaction de signe 
inverse de celui du facteur.
 
 Inversement, 
l’effecteur en tendance est sous la dépendance d’une rétroaction 
de même signe que celui du facteur sur lequel il agit. 
 
  
   On appelle régulateur les effecteurs en 
constance qui se maintiennent en équilibre près d’une valeur 
idéale, en oscillant autour d’une moyenne grâce à la 
boucle de rétroaction négative. 
 Un régulateur peut 
aussi être doté d’un servomécanisme. 
Un servomécanisme est une commande extérieure au système 
intervenant sur la boucle de rétroaction pour en modifier la valeur.
 
 
   
 
 Un thermostat réglant la température d’une pièce 
à 21 degrés Celsius est un régulateur. Mais si nous désirons 
augmenter la température à 25 degrés, nous devons intervenir 
de l’extérieur pour tourner le bouton du thermostat et fixer la nouvelle 
valeur.
 Cette notion de servomécanisme est capitale en physiologie 
car elle implique l’existence de différents niveaux d’organisation 
dans les organismes vivants. En effet, à chaque niveau d’organisation, 
nous avons affaire à des systèmes régulés. Mais chacun 
de ces régulateurs est transformé en servomécanisme par l’information 
qu’il reçoit des niveaux supérieurs qui l’englobent. 
Dans les systèmes vivants, ce sont les servomécanismes qui permettent 
aux différents niveaux de fonctionner harmonieusement pour maintenir la 
structure de l’ensemble organique.
 
 Au niveau moléculaire 
par exemple, l’ensemble des enzymes nécessaires à une réaction 
biochimique peut être considéré comme un régulateur. 
Mais cette régulation est influencée par une commande extérieure, 
venue du niveau d’organisation supérieur, celui de la cellule par 
exemple. À son tour la cellule, autre système régulé 
(comme le montre le maintien du potentiel membranaire de repos), devient un servomécanisme 
grâce à l’information qui lui parvient de l’organe dont 
elle fait partie. Et ainsi de suite de l’organe au système dans lequel 
il se trouve (système nerveux, endocrinien, vasculaire, etc.) jusqu’à 
l’organisme entier dont la commande du servomécanisme lui provient 
de son environnement extérieur.
 
 Cette chaîne de servomécanismes, 
qui va de la molécule à l'organisme et même jusqu'à 
l'humanité tout entière dans son environnement cosmique, résulte 
de l’évolution des structures vivantes, qui elle-même s’inscrit 
dans la tendance de l’univers à se complexifier localement.
 
 Un organisme est donc un système ouvert du point de vue de l’information 
puisque chaque niveau d’organisation reçoit son information du niveau 
susjacent. Toutefois, l’ouverture informationnelle existe aussi dans l’autre 
sens puisque tous les niveaux d’organisation sont déjà contenus 
en puissance dans l’ADN de l’œuf fécondé.
 
 À « l’information-structure » fournie 
par les gènes et modifiée par l’environnement pour donner 
l’organisme d’un individu particulier, on peut donc opposer une « 
information-circulante » dont les principaux véhicules 
sont les systèmes nerveux et endocriniens.
 
 L’information-structure 
permet de distinguer un éléphant d’un homme, l’information-circulante 
de maintenir la structure globale de l’organisme ainsi que l’intégrité 
de chaque niveau d’organisation. La finalité de chaque régulation 
concourant à la réalisation de celle du système en entier. 
Et c’est l’information circulante qui réalise une grande partie 
du travail de servomécanisme, c’est-à-dire la commande extérieure 
à chaque niveau d’organisation.
 
 La cybernétique 
constitue donc un outil essentiel pour comprendre le vivant parce qu’elle 
met en évidence les niveaux d’organisation et les liens dynamiques 
qui les unissent. Avec le concept de servomécanisme, nous prenons également 
conscience de la notion de structure, c’est-à-dire 
l’ensemble des relations existant entre les éléments d’un 
ensemble. Une structure ne peut donc pas être réduite à la 
somme de ses éléments parce que ceux-ci établissent des relations 
entre eux, et que c’est l’ensemble de ces relations qui définit 
la structure d’un organisme ("Le tout est plus que la somme des parties").
 
 Ainsi, dans un organisme, la structure est hiérarchisée 
par niveaux d’organisation dont chacun constitue la commande d’un 
servomécanisme assurant la cohésion fonctionnelle de l’ensemble. 
La cybernétique apparaît alors clairement comme la science qui étudie 
la dynamique des structures.
 
 
   
 C’est pour cela que l’analogie parfois proposée avec 
les poupées russes pour parler de l’emboîtement des niveaux 
d’organisation n’est pas très fidèle dans la mesure 
où elle ignore la notion de servomécanisme : on peut enlever toutes 
les poupées situées à l’intérieur de la plus 
grande, celle-ci conservera sa forme. La même action sur un organisme vivant 
le transformerait en cadavre.
 
 À la lumière de la cybernétique, 
on peut aussi affirmer que la vie est à la fois système et information, 
alors qu'une machine est un système qui se nourrit d'information. Un ordinateur 
dont on coupe la source d'énergie électrique ne pourra plus utiliser 
l'information qui lui est fournie, mais restera un ordinateur prêt à 
fonctionner avec le retour du courant. Par contre, un organisme vivant coupé 
de l'énergie solaire (ses aliments) devient rapidement un corps inerte 
en décomposition... Sa structure coïncide avec l'énergie qui 
l'alimente et qu'il transforme ou plus exactement qu'il informe.
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