À travers les différentes espèces,
le rôle central de l'amygdale dans la réponse de peur semblent avoir
été très bien conservé malgré la
multitude de comportements mis au point par les différentes espèces
pour faire face aux dangers. Les expériences de lésion de l'amygdale
ont d'abord permis de montrer que l'absence de cette structure nuisait énormément
à l'appréciation d'un danger. Puis, d'autres expériences
se concentrant plutôt sur des stimulations électriques de l'amygdale
ont systématiquement provoqué les mêmes réactions de
défense bien connues chez plusieurs espèces de mammifères
(modifications viscérales, inhibition, fuite, attaque défensive).
Comme c'est le
cas avec l'hippocampe, la plupart des voies nerveuses qui entrent dans l'amygdale
sont couplées à des voies qui en sortent. L'une de ces voies de
sortie est la voie amygdalofugale ventrale qui joue un rôle important
dans l'apprentissage associatif d'une peur conditionnée par exemple. La
valeur gratifiante ou aversive d'un stimulus est associé entre autre par
des connections au noyau
accumbens reconnu pour son rôle dans
les circuits du plaisir. Les autres principales destinations de cette voie
sont le striatum ventral, le septum, l'hypothalamus, les noyaux du tronc cérébral
et certaines parties du cortex (orbitofrontale, piriforme, cingulé ).
Un autre faisceau important
qui sort de l'amygdale est la stria terminalis, une voie qui est à
l'amygdale ce
que le fornix est à l'hippocampe. Comme le fornix, la stria terminalis
ne projette qu'à des structures sous-corticales comme l'hypothalamus et
le septum. Ces deux structures étant déjà des destination
de la voie amygdalofugale ventrale, il y a donc plusieurs recoupements non seulement
dans les projections de l'amygdale, mais aussi avec celles de l'hippocampe qui
projettent aussi vers ces structures. D'ailleurs, l'hippocampe et l'amygdale,
situés à côté l'un de l'autre, sont massivement interconnectés.
Une autre région qui semble bien impliquée
dans l'action émotionnelle volontaire est celle des ganglions
de la base, un groupe de noyaux sous-corticaux. Ces noyaux sont reconnus
pour être impliqués dans le contrôle du mouvement et leur interaction
avec l'amygdale appuie ce rôle actif dans l'expression comportementale de
l'émotion.
Quant aux réactions automatiques
et viscérales d'une émotion comme la peur par exemple, elles sont
contrôlées principalement par les outputs de l'amygdale qui vont
aux noyaux du système nerveux sympathique du tronc cérébral
et à l'hypothalamus, lui-même responsable des sécrétions
hormonales de l'hypophyse.
Les outputs de l'amygdale nous donnent
une bonne idée de ce qui est nécessaire à l'expérience
d'une émotion comme la peur. Les connexions de l'amygdale au cortex peuvent
influencer l'attention, la perception et la mémoire d'une situation dangereuse.
L'amygdale peut aussi influencer le cortex de manière indirecte par ses
connections au système de l'attention du tronc cérébral.
D'autres régions du tronc cérébral déclenchent la
cascade de réactions physiologiques associées à la peur qui
créent une rétroaction vers le cerveau. L'intégration de
cette rétroaction dans la
mémoire de travail avec les autres " ingrédients "
que l'on vient de décrire procure le sentiment de vivre une émotion.
Nos systèmes de mémoire explicite
(hippocampe) et implicite (amygdale) fonctionnant en parallèle expliquent
pourquoi nous ne nous souvenons pas des traumatismes qui se sont produits au début
de la vie. En effet, l'hippocampe est encore immature lorsque l'amygdale est déjà
capable de stocker des souvenirs inconscients. Un traumatisme précoce pourra
perturber les fonctions mentales et comportementales d'un adulte par des
mécanismes inaccessibles à la conscience.
LES DEUX ROUTES DE LA PEUR
Un stimulus sensoriel
évoquant la présence d'un danger pour l'organisme va d'abord atteindre
le thalamus. De là, il sera pris en charge par deux voies parallèles
: la voie thalamo-amygdalienne (route courte) et la voie thalamo-cortico-amygdalienne
(route longue). La première véhicule une perception grossière
et rapide d'une situation puisque c'est une voie sous-corticale qui ne bénéficie
pas de la cognition. Elle active l'amygdale qui, par l'entremise de son noyau
central, fait naître des réactions émotionnelles avant
même que l'intégration perceptuelle n'ait eu lieu et que le système
puisse se représenter complètement le stimulus.
Dans
un deuxième temps, le traitement de l'information par la voie corticale
longue arrive à l'amygdale et précise si c'est un véritable
stimulus menaçant ou
s'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Pour ce faire, différents
niveaux de traitement cortical sont nécessaires.
En
effet, après un traitement des différentes modalités de l'objet
par le cortex sensoriel primaire, le cortex associatif unimodal fournit à
l'amygdale une représentation de l'objet. À un niveau d'analyse
encore supérieur le cortex associatif polymodal conceptualise la chose
et en informe également l'amygdale. Cette représentation élaborée
de l'objet peut alors être comparée au contenu de la mémoire
explicite grâce à l'hippocampe qui entretient lui aussi des liens
étroits avec l'amygdale.
En
effet, c'est l'hippocampe qui permet en premier lieu l'apprentissage du caractère
dangereux d'un objet ou d'une situation grâce à la
mémoire explicite. L'hippocampe est aussi particulièrement sensible
à l'encodage du contexte associé à une expérience
aversive. C'est lui qui fait en sorte que non seulement un stimulus peut devenir
une source de peur conditionnée, mais également les objets autour,
la situation ou le lieu où il se trouve.
La
présence imminente d'un danger poursuit alors le travail d'activation de
l'amygdale dont les patterns de décharge vont activer les structures efférentes
responsables des manifestations de la peur comme la fréquence cardiaque
et de la pression sanguine élevées, les mains moites, la bouche
sèche, les muscles tendus, etc.
Lors d'un traumatisme, les
systèmes de mémoire implicite de l'amygdale et explicite de l'hippocampe
emmagasinent différents aspects de l'événement. Plus tard,
l'hippocampe vous permettra de vous souvenir de l'endroit où c'est arrivé,
avec qui vous étiez, l'heure qu'il était, etc. À travers
l'activation de l'amygdale, vos muscles se raidiront, votre pression augmentera,
votre estomac se nouera, etc.
Parce que ces deux systèmes
sont mis en branle par les mêmes indices de rappel, on ne se rend pas compte
de leur spécialité. Mais certaines expériences où
cas pathologiques peuvent mettre en évidence leur indépendance.
C'est
le cas d'une femme qui avait eu de tels dommages aux hippocampes qu'elle ne pouvait
reconnaître son médecin qu'elle voyait pourtant quotidiennement.
Ils se serraient donc la main et se présentaient chaque jour. Une fois
cependant, la dame retira vivement la main. Le médecin avait mis une punaise
dans la sienne. Pourquoi ? Il avait eu une intuition qui se confirma le lendemain
: la femme vint pour lui serrer la main, mais au dernier moment la retira. Questionnée
par le médecin sur son geste, elle ne put donner d'autre explication que
la peur qui l'avait soudainement envahie.